Le couple impossible
Le 7 février 2011
Deux acteurs étonnants font du théâtre imprévisible d’un couple dans l’été sarde une comédie cruelle filmée, à juste distance, par une jeune cinéaste au talent affirmé.
- Réalisateur : Maren Ade
- Acteurs : Hans-Jochen Wagner, Birgit Minichmayr, Lars Eidinger
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Why Not Productions
- Durée : 1h59mn
- Titre original : Alle Anderen
- Date de sortie : 8 décembre 2010
- Plus d'informations : http://www.whynotproductions.fr/fil...
- Festival : Festival de Berlin 2009, Festival du cinéma allemand
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Résumé : Les aspirations contradictoires de Gitti et Chris, un couple de trentenaires à la recherche d’eux-mêmes. En vacances, seuls et isolés, ils croisent pourtant un couple de leur connaissance. La fréquentation de ces gens qui affichent leur réussite et dissimulent parfaitement la platitude de leur relation derrière une attitude soi disant moderne va ébranler la relation déjà conflictuelle de Gitti et Chris.
Critique : Grand Prix du jury et Prix d’interprétation féminine pour Brigit Minichmayr au Festival de Berlin 2009, Alle anderen est, après Der Wald vor lauter Bäumen (2003), le deuxième long-métrage de Maren Ade. Elle l’a écrit, produit elle-même dans le cadre de la Société Komplizen Film et tourné en Sardaigne d’août à octobre 2007. Sorti en Allemagne en juin 2009, il avait été vu en octobre de la même année par 191 212 spectateurs, ce qui est considérable pour un film d’auteur se rattachant, par ses choix de mise en scène et toute sa démarche à la Nouvelle Vague allemande, appelée aussi Berliner Schule.<
La scène d’ouverture donne le ton, nous faisant assister à une mise au point entre Gitti et une gamine avec laquelle le courant passe mal. La femme demande à l’enfant d’exprimer sans détour ce qu’elle ressent à son égard, passant d’un « Je te déteste » de plus en plus hurlé à une simulation de mise à mort couronnée par un plongeon dans la piscine.
Le personnage entier de Gitti est ainsi campé d’emblée avec sa violence rentre-dedans et sa totale absence de retenue (elle est capable de se jeter par la fenêtre sur un coup de tête). Le couple qu’elle forme avec son compagnon semble illustrer la théorie de l’attirance des contraires, tant leurs caractères s’opposent. Mais leurs petits rituels, jeux débridés, bouderies, moments de conflits ou accès de tendresse scellent un lien fragile et solide à la fois.
C’est dans la provocation permanente et les retournements incessants que cette relation semble avoir trouvé un équilibre toujours remis en question et qui pourtant tient la route.
Même la tentative, vouée à un échec lamentable, de se conformer à une image de couple classique, n’est finalement qu’une variante de plus de ce jeu infernal et l’on ne saura jamais vraiment si le miroir que leur tendent les autres (tous les autres) est à l’origine de leur crise toujours réactivée ou si au contraire ils en ont besoin pour alimenter leur amour. Car la réalisatrice se refuse à toute explication (psychologique ou autre) et à tout jugement.
Cette liberté laisse au spectateur le loisir d’interpréter le film à partir de son vécu, ce qui a pu donner lieu, ici ou là, à des débats passionnés à l’issue des projections. Maren Ade, rencontrant le public dans le cadre du 15ème Festival du Cinéma allemand, se souvenait avoir assisté ainsi à plus d’une discussion animée.
Constamment sur le bord de la Peinlichkeit, la gêne qu’on ressent face à l’excès et à l’obscène, le théâtre cruel et souvent burlesque de ce couple sur le pied de guerre captive de bout en bout et les interprètes y sont pour beaucoup. On sent chez eux la résistance physique et la capacité à tenir une scène sur la durée, qui distinguent les comédiens rompus à la discipline du théâtre (Birgit Minichmayer au Burgtheater de Vienne, Lars Eidinger à la Schaubühne de Berlin). Leur duel qui, même dans les brusques accès de violence, garde un côté enjoué, évoque certes Bergman, Cassavetes ou la screwball comedy, mais la juste distance du regard de la cinéaste et la lumière de l’été sarde donnent à l’ensemble un air de film de vacances qui finit de l’éloigner de toute pesanteur psychologique pour l’amener très près du grand cinéma.
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