Le 28 novembre 2011

Dans les coulisses d’A la une du new York Times : Andrew Rossi, réalisateur et Kate Novack, productrice, prolongent et partagent le débat médiatique.
Dans les coulisses d’A la une du new York Times : Andrew Rossi, réalisateur et Kate Novack, productrice, prolongent et partagent le débat médiatique
aVoir-aLire : Votre film livre pour la première fois au cinéma les coulisses d’un grand quotidien. Comment avez-vous négocié votre pass pour le New York Times ?
Kate : Tout a commencé quand Andrew interviewait David Carr dans le cadre de son précédent projet Le Cirque : a table in heaven. Il était au Times et la conversation n’arrêtait pas de tourner autour de la situation du journal et du rôle qu’il allait jouer à l’avenir. A ce moment là je crois qu’une ampoule s’est littéralement allumée dans le cerveau d’Andrew ! (rires) Le lendemain il m’a dit que c’était ça la véritable histoire à raconter, que son prochain film était là et pas ailleurs....
Andrew : Je me souviens d’avoir été comme électrocuté ! (rires)
Kate : L’idée du projet c’était d’arriver à savoir si le New York Times avait des chances de survie, s’il allait conserver la même autorité que par le passé. Andrew a demandé à David Carr s’il accepterait de faire ce film avec lui. David lui a très simplement répondu : ’’ si tu obtiens l’accès, je suis de la partie’’. Andrew est allé voir le rédacteur en chef, Bill Keller, sans grands espoirs, le journalisme étant aux Etats-Unis une pratique très confidentielle. A sa grande surprise, Bill était d’accord. Andrew lui a proposé un plan sur six mois incluant une présence sur les deux réunions éditoriales quotidiennes, mais Bill est allé plus loin. Il disait être fier de ses journalistes et il voulait que le monde entier puisse voir ça. Il lui a donné carte blanche. Je ne crois pas qu’il ait vraiment compris à l’époque qu’Andrew avait un projet abouti et orienté. Il devait juste penser qu’il voulait se documenter sur les médias, les enjeux et la complexité de l’environnement journalistique actuel.
Dès le départ David Carr était donc un des piliers du film ?
Kate : Oui absolument. On savait qu’il serait un personnage incroyable et qu’il porterait à lui seul le projet. On est des grands fans de la rubrique de David dans le Times et de son livre The night of the gun. L’idée c’était d’en faire une sorte de fenêtre à travers laquelle raconter l’implosion des médias dominants.
Racontez nous un peu le rythme du tournage. Etiez vous là 24h/24, 7j/7 ?
Andrew : Le tournage a duré quatorze mois à mesure de trois jours par semaine en moyenne. Parfois nous y étions tous les jours, 24h/24h, notamment pour les séquences concernant les Wikileaks. Tout se passait très vite et c’était vraiment une période intense et variable. Par contre, ce qui ne changeait pas c’était ma méthode de travail : je tournais seul. Cette légèreté m’a d’ailleurs permis d’établir une relation vraiment intime avec les journalistes interviewés. Je venais à 9h30 pour m’immerger dans leur rythme. J’étais là pour les réunions de 10h30 et je les accompagnais jusqu’à 6h. Parfois nous restions même le soir lorsque certaines actualités venaient tout juste de ’’sortir du four’’. Par exemple le jour du retrait des troupes d’Irak, nous avons veillé tard dans la nuit. Ici la question de l’angle de vue et du traitement médiatique était fondamental. Typiquement le tournage était une question de rencontres, je déambulais dans les étages et je demandais au premier que je croisais : ’’sur quoi tu travailles’’ ? Puis je choisissais les histoires les plus dynamiques. Au final je me suis retrouvé avec plus de 250 heures de rush...
Votre parcours (Yale puis Harvard en droit) est plutôt atypique pour un réalisateur. Quand avez vous su que vous vouliez faire du cinéma ? :
Andrew : Vous savez je voulais être danseur au départ ! Je ne sais pas. J’ai pris une caméra pour la première fois quand j’étais avocat, je pense que c’était en 2000. C’était au moment où la technologie permettait d’acheter pas cher une caméra numérique de qualité et simple d’utilisation. Dès que j’ai commencé à l’utiliser j’en suis tombé amoureux ! Et la romance a fait le reste (rires). Dans le même temps, j’ai appris à utiliser Final Cut Pro. En fait j’ai juste commencé à faire des documentaires. Et puis j’ai travaillé dans le journalisme, à New York News, une station qui diffuse de l’information 24h/24h, et quelques vidéos pour le New York Post aussi. J’ai appris en expérimentant.
Si vous deviez ne choisir qu’un seul mot pour décrire votre film ?
Andrew : Génial, extraordinaire, superbe... (rires) Hum....je ne sais pas....c’est une bonne question ! Dans un sens j’aimerais dire que c’est quelque chose entre divertissant et palpitant. Il faudrait trouver une idée qui n’est pas juste politique et sociale mais aussi amusante. J’ignore s’il existe un terme qui combine ces deux idées. Quel mot vous vient à l’esprit vous ? (rires)
Kate : Je pense qu’on voulait montrer l’humanité du journalisme, pas l’idéal ni le cliché, juste la réalité quotidienne. Moi je dirais naturel, non, plutôt humain.
Andrew : Ca semble vraiment ennuyeux maintenant ! On a plus envie de voir le film !
Kate : Alors super humain ! (rires)
Pourquoi avoir choisi de faire un documentaire ’’d’action’’ ?
Andrew : Peut-être parce que le sujet était intellectuellement compliqué et potentiellement lourd. Nous voulions extraire l’essence de ce débat médiatique pour le présenter au plus grand nombre dans un format grand public.
Kate : Il fallait que les gens, par le biais des histoires personnelles, puissent comprendre ce qu’il se passe dans le journalisme. Et ça ne pouvait être fait que par la constrcution d’une histoire presque narrative.
Andrew : Et puis les gens sont plus touchés quand ils sont reliés aux personnages qu’ils voient à l’écran, quand ils sont en empathie avec eux. Je pense qu’un documentaire de forme classique aurait plombé l’audience. C’est important que le spectateur se sente traité d’égal à égal et qu’il soit à l’aise avec le sujet. Avec le recul, c’est une technique très intéressante : aller dans un lieu qui semble lointain, opaque et inaccessible pour le ramener sur terre.
aVoir-aLire : Il s’agit de briser la glace en fait...
Andrew : Ou en tous cas la distance !
Quel accueil a eu le film aux USA ?
Kate : Il est sorti sur les écrans en juin et il a rapporté plus d’un million de dollars, ce qui est énorme pour un documentaire. Maintenant il est disponible en dvd et au début de l’année prochaine il sera diffusé sur la chaine histoire.
De nouveaux projets ?
Kate : On y travaille mais c’est encore très flou.
Propos recueillis à Paris le 16 novembre 2011