De sa plume vive et nuancée, Valérie Zenatti trouve la note juste pour évoquer ces moments en suspens d’avant la menace. Quand tout peut finir ou se réinventer avec la vitalité du soulagement.

Ce texte au formidable titre est le premier roman adulte d’un auteur jeunesse reconnu et récompensé par ailleurs traductrice d’Aharon Appelfeld. Avec ce coup d’essai réussi, Valérie Zenatti fait à son tour la preuve que le talent, le terreau où l’on puise, la sensibilité sont les mêmes quels que soient les lecteurs auxquels on s’adresse.
Le terreau de Valérie Zenatti, sa "patte", c’est son expérience de Française partie à l’adolescence s’installer en Israël ; c’est ce regard double, extérieur et intérieur, qu’elle porte sur un pays tout en énergie presque brutale, un pays qui fonde sa force sur ses fragilités originelles.
Ce paradoxe, ce conflit source de déséquilibre et de questionnement, de volonté aussi, c’est également ce qui définit Constance, la narratrice. A l’heure où le pays se prépare à une éventuelle attaque chimique de l’Irak - on est en janvier 1991 -, en vivant plus vite et plus fort encore qu’à l’accoutumée, elle balance entre insouciance bravache et angoisse indicible. Car son passé, ses propres failles profondes et jamais dites, surgissent à la faveur de cette situation en suspens entre vie et mort.
La jeune étudiante qui s’est jusque là débrouillée pour ne pas se dévoiler, qui vit ce qu’elle ne s’est pas autorisée (la maternité, une histoire d’amour sereine) à travers sa meilleure amie, Tamar, est soudain face à toute la réalité de sa vie, aux conséquences d’un passé qu’elle a cherché à fuir. Or si l’on peut espérer échapper aux gaz dans les chambres hermétiques, aucun dispositif d’urgence, aucune consigne même suivie à la lettre ne saurait tenir le passé en respect.
De cette confrontation crue, Constance sortira comme allégée, beaucoup plus près d’un bonheur possible.