Le 7 décembre 2022
Delépine et Kervern restent fidèle à leur univers. Leur démarche satirique est toujours incisive malgré des longueurs et facilités d’écriture.
- Réalisateurs : Benoît Delépine - Gustave Kervern
- Acteurs : Anna Mouglalis, Yolande Moreau, François Damiens, Anne Benoît, Vincent Macaigne, Jonathan Cohen, Lætitia Dosch, Thomas VDB, India Hair, Jehnny Beth, Doully
- Genre : Comédie, Politique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 28 février 2024 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 6 avril 2022
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Résumé : À la veille d’un vote pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de droite décomplexée essaye de corrompre son confrère écologiste. Mais ils se font piéger par un groupe de jeunes activistes féministes qui réussit à les coller ensemble. Une folle nuit commence alors pour les deux hommes, unis contre leur gré.
Critique : Le nouvel opus de Kervern et Delépine ne décevra pas leurs fans, et devrait même élargir leur audience, après le réjouissant Effacer l’historique, au potentiel commercial certain, mais qui avait souffert d’une sortie post-estivale en pleine crise sanitaire. Anarchistes au grand cœur et poètes du naturalisme satirique, les deux compères avaient été révélés avec des objets filmiques non identifiés, tels Louise-Michel et Mammuth, avant de se surpasser avec Le grand soir, réjouissante fable socioéconomique et politique, prix spécial du Jury dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2012. À travers le portrait de deux adversaires politiques littéralement collés après avoir été piégés par une féministe activiste (India Hair), les scénaristes et réalisateurs sont fidèles à leurs thématiques de la dénonciation des laissés-pour-compte du libéralisme économique et des victimes d’une société à deux vitesses. Si I Feel Good et Effacer l’historique pointaient du doigt les dérives de l’ubérisation et de l’emprise des GAFAM, En même temps se focalise sur le fossé séparant les gouvernants des citoyens, sur fond de compromissions et de petits arrangements. Sur le plan politique, les réalisateurs sont comparativement plus proches du personnage du maire écolo (Vincent Macaigne), mais mettent en avant ses tendances individualistes proches d’un mode de vie bourgeois bohème. Quant au maire de droite radicale (Jonathan Cohen), réactionnaire et forcément corrompu, il n’a droit à aucune indulgence, si ce n’est dans son revirement final - qui a lieu toutefois pour sauver sa peau, au sens littéral du terme.
- Photo © Chloe Carbonnel © 2022 Ad Vitam. Tous droits réservés.
Autour d’eux gravite une faune excessive et caricaturale, de féministes revanchardes, ayatollahs de l’écriture inclusive, à un tenancier de bar américain trumpiste (François Damiens), en passant par une sophrologue new age à côté de ses pompes (Laetitia Dosch). « En cette année d’élection présidentielle en France, il nous paraissait utile de faire le point sur le pouvoir politique, en particulier local. En ce qui me concerne, mon père ayant été maire d’un bourg en Picardie pendant près de quarante ans, et suivant de près la vie de mon village en Charente, je trouvais intéressant de faire un portrait humain de ceux qui nous gouvernent. Avec leurs bonnes et mauvaises volontés. Leurs limites. Leurs angoisses aussi », a déclaré Benoît Delépine dans le dossier de presse, quand Gustave Kervern affirme : « Dans tous nos films, nous n’avons jamais essayé de donner quelque leçon que ce soit. Justement parce que, nous-mêmes, nous sommes dans le doute permanent. C’est aussi pour cela qu’on a voulu rendre ces hommes politiques plutôt sympathiques. Pour Molitor c’est facile, c’est un bon gars, qui essaye d’être honnête, qui souffre car il a mal à la planète. Pour Béquet, nous avons voulu axer sur un politicien extrême mais qui utilise plus des ficelles qu’il n’a de véritables convictions. Ce qui l’amène, dans le scénario, à évoluer favorablement. C’est un vœu pieux. Pas sûr que les vrais de vrais, les doctrinaires effrayants, soient aussi facilement malléables ».
- Photo © Chloe Carbonnel © 2022 Ad Vitam. Tous droits réservés.
Le film de Delépine et Kervern a certes des qualités liées à son comique de situation (digne de Feydeau) et ses dialogues incisifs. La mise en scène est en outre inventive, le moindre plan étant conçu avec intelligence, sans esbroufe ni académisme. Les cinéastes dégainent en outre un casting et une ambiance appréciables. C’est en effet un réel plaisir de voir surgir les trognes de Yolande Moreau en tenancière de bar à hôtesses, Jehnny Beth en féministe commando, Anna Mouglalis en bourgeoise désabusée, ou Anne Benoît en mère pathétique. Pour autant, le métrage est trop long et finit par s’enliser dans son dernier tiers. Les réalisateurs ne vont pas jusqu’au bout de leur satire et lorgnent vers la gentillesse et le compromis, peut-être par peur d’être soupçonnés de politiquement incorrect. Surtout, Entre nous n’échappe pas au schématisme comique du type Guignols de l’info, qu’Anne Fontaine avait tout juste contourné dans Présidents. Et même si l’on ne saurait suspecter Delépine et Kervern de populisme, l’ambiguïté de la farce, oscillant entre premier et second degré, pourra aussi agacer. Tel quel, le métrage est agréable et permet de passer un bon moment.
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