D’un père à son fils
Le 2 avril 2020
Septième long métrage de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Saint Amour est encore une fois une proposition cinématographique pleine d’audace, de la part d’un duo de réalisateurs qui détonne dans le paysage plutôt sage du cinéma hexagonal.
- Réalisateurs : Benoît Delépine - Gustave Kervern
- Acteurs : Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Céline Sallette, Vincent Lacoste
- Genre : Comédie dramatique, Road movie
- Nationalité : Français
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 25 janvier 2017 21:00
- Chaîne : Canal +
- Titre original : Saint-Amour
- Date de sortie : 2 mars 2016
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Septième long métrage de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Saint Amour est encore une fois une proposition cinématographique pleine d’audace de la part d’un duo de réalisateurs qui détonne dans le paysage plutôt sage du cinéma hexagonal.
L’argument : Bruno est agriculteur. Et, comme chaque année, Bruno se rend au salon de l’agriculture. Tandis que son père, Jean, participe au concours du plus beau taureau, Bruno, lui, écume les stands de vins du salon. Quand Jean décide de se rapprocher de son fils, qu’il voit de plus en plus malheureux, c’est pour partir sur la route des vins, la vraie, cette fois, en compagnie de Mike, jeune chauffeur de taxi aux allures de Don Juan.
- JPG Films ©
Notre avis : C’est une bouteille de vin qui donne son titre au film. Le Saint-Amour, une bouteille parmi toutes celles qui parsèmeront le périple de ces trois personnages, au cours d’un road-movie hexagonal toujours original, déjouant les attentes et empruntant des chemins à l’image de ces héros, cabossés. Surprendre, au cinéma, c’est, déjà, sortir le spectateur de sa zone de confort, et justifier le prix du ticket. Pas si fréquent de nos jours. Car le vin, n’en déplaise aux adorateurs de Dionysos, n’est pas le sujet du film. On n’est pas chez Ken Loach, qui faisait du Whisky un personnage à part entière dans La part des anges. Comme le taxi de Mike a besoin d’essence pour rouler, Jean et Bruno boivent pour avancer. Un carburant poussant les personnages à tailler la route sans toutefois transgresser trop l’adage "Boire ou conduire, il faut choisir".
Trois personnages donc. Le père, Depardieu, agriculteur et colosse bienveillant qui aimerais que son fils sorte la tête de l’eau. Poelvoorde, le fils, pour qui le métier est source de désillusions et de solitude. Et le jeune chauffeur de taxi, joué par un Vincent Lacoste dont le personnage prétentieux et fier finit par perdre pied quand l’acteur, lui, tient tête, et c’est courageux, à deux acteurs sacrés connus pour leurs fortes personnalités. Voila donc un film qui avance de guinguois. Comme ses personnages, le récit titube plus d’une fois. Kervern et Delépine ne se refusent aucune digressions, sans jamais sacrifier au rythme. Car il s’en passe des choses, dans Saint-Amour. Et si l’on doit reconnaître une qualité au film, c’est d’enfiler les rencontres comme autant de perles différentes, toutes précieuses, tantôt droles, tantôt poétiques, parfois grincantes, mais toujours utiles aux personnages, ou au plaisir du spectateur.
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A l’image de Depardieu, ogre magnifique qui réussit à émouvoir en mangeant des saucisses, Saint-Amour est donc un film généreux. Généreux avec ses personnages, avec ses seconds rôles aussi, tous marquants. D’Izia Higelin en ex petite amie sur qui la foudre est tombée trop de fois, à une hilarante et surréaliste apparition de Michel Houellebecq en maître d’hôte, jusqu’au virage emprunté dans le dernier tiers du métrage au contact d’une femme mystérieuse interprétée par Céline Sallette, tous les personnages sont traités avec le même respect.
Généreux, le film l’est aussi quand il fait l’éloge de la paysannerie. "Soyez fiers, vous, paysans, qui travaillez la terre", semblent dire Delépine et Kervern, sans oublier de montrer la désespérance des agriculteurs et le mépris dont ils peuvent parfois être la cible dans une société où la ruralité meure à petit feu. Le film rappelle enfin, dans sa peinture des relations amoureuses, un des chefs d’œuvres de Woody Allen, Whatever Works. Tant que ça marche, prendre l’amour comme il vient, quitte à casser les codes. Saint-Amour se pare ainsi d’une peinture sociale qui, si elle ne manque pas d’humanité, perd toutefois un peu de la férocité avec laquelle les réalisateurs dénonçaient la société de consommation dans Le Grand Soir. Le film n’a pas non plus la bizarrerie malaisante de Mammuth. Ce n’est pas lui faire injure que de dire cela. A l’instar d’Albert Dupontel, autre trublion du cinéma français qui délaisse un peu la méchanceté au profit d’une poésie "freak", la douceur va bien aux deux compères. Et si Kervern et Delépine semblent avoir abandonné l’idée de travailler l’image (texture, éclairage, mise au point, tout est bâclé), le vent de liberté qu’ils transportent de film en film n’en finit pas de souffler, et balaye les quelques réserves rencontrées en chemin. Et donne envie de trinquer, évidemment, à leur santé.
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