Le 8 juin 2024
Métaphore des ravages de la stigmatisation des personnes en situation de handicap et de la justice populaire, En attendant la nuit constitue une véritable réussite. Un second film brillant de la réalisatrice Céline Rouzet.
- Réalisateur : Céline Rouzet
- Acteurs : Élodie Bouchez, Anne Benoît, Céleste Brunnquell, Jean-Charles Clichet, Louis Peres, Mathias Legoût Hammond
- Genre : Drame, Fantastique, Teen movie, Film de vampire, Drame fantastique
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Tandem
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 5 juin 2024
- Festival : Festival de Venise 2023, Festival de Gérardmer 2024
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Philémon est un adolescent pas comme les autres : pour survivre, il a besoin de sang humain. Dans la banlieue pavillonnaire un peu trop tranquille où il emménage avec sa famille, il fait tout pour se fondre dans le décor. Jusqu’au jour où il tombe amoureux de sa voisine Camila et attire l’attention sur eux…
Critique : Philémon n’est pas un nourrisson comme les autres, loin de là, puisqu’au lieu de boire le sein de sa mère, il lui préfère le sang. Sa différence pathologique le confère à être isolé des autres nouveaux-nés, entraînant les parents à l’arracher de ses appareils médicaux et à s’enfuir dans une vie d’errance. En attendant la nuit se passe dix-sept ans après la naissance du petit. La famille aspire à une existence normale, protégée de la curiosité du voisinage. La mère, Laurence, se prétend infirmière. Elle est embauchée dans un centre de prélèvement de sang, dont elle soustrait discrètement des poches pour nourrir son fils.
- Copyright Tandem
En attendant la nuit, en dépit de son prix au Festival de Gérardmer, n’a rien du film d’horreur de vampires. C’est surtout une chronique familiale douce amère, qui dépeint un couple et leurs deux enfants en proie à la drôle de pathologie de leur grand adolescent. Ils vivent surtout la nuit, permettant au jeune Philémon à échapper aux rayons de soleil qui peuvent le tuer en moins de dix minutes. La mère est interprétée par la grande et sensible Élodie Bouchez. L’actrice fait un retour remarquable sur les écrans depuis quelques années, dans des films très différents qui mettent en valeur son immense compétence à investir des rôles très différents. Elle assume ce personnage de mère protectrice, occupée à voler du sang et cacher l’horreur de la maladie qui l’accable. Elle ne juge jamais son fils, préférant aux phrases moralistes et académiques le déterminisme à élever ses enfants malgré la différence qui les étreint.
Mathias Legoût Hammond s’affiche comme un jeune comédien très prometteur. Il interprète ce jeune adolescent, moins effrayant que traversé par les stigmates d’une maladie qui l’empêche d’avoir une vie sociale normale. Il se préserve du soleil en permanence, faisant penser à la maladie des enfants de la lune qui atteint de rares patients dans le monde. La mise en scène de Céline Rouzet refuse les excès d’un récit fantastique ou d’horreur. Ce qui importe pour elle, c’est d’abord de fondre dans la réalité quotidienne la cruauté d’un vampirisme monstrueux qui confère le jeune Philémon à la solitude et l’exclusion.
- Copyright Tandem
En attendant la nuit constitue une sorte de métaphore très écrite du rejet et du jugement social que le handicap génère parfois dans la société. Le gamin se bat pour accéder à une forme de normalité, mais la cruauté du monde qui l’entoure gagne sur sa lutte. Il s’efforce de cacher sa différence, mais la proportion de certains enfants ou adolescents à maltraiter leurs congénères prend le pas dans le récit. La réalisatrice propose une narration très subtile sur le harcèlement, ainsi qu’une dénonciation sans fard de certains comportements populistes par lequel des groupes de gens, au nom de certains principes moraux, endossent la figure du justicier et se font eux-mêmes justice. En ce sens, le long-métrage revendique le recours à la justice, à la loi et s’insurge contre les ravages de la justice populaire qui se substituent aux institutions démocratiques et normatives. Cela donne l’impression d’un film autant destiné à provoquer le plaisir du spectateur avec une belle histoire qu’à le faire réfléchir sur les risques du populisme et de la discrimination gratuite.
En attendant la nuit est une œuvre sincère, enthousiasmante. Céline Rouzet parvient à retracer toute la sensibilité de l’adolescence, a fortiori celle que le destin contraint à la différence et au jugement social. On ne boude pas non plus notre plaisir à regarder ce récit de vampire qui mêle des citations de grands films d’horreur comme L’exorciste ou La nuit des morts vivants. L’œuvre s’inscrit donc dans une tradition du film de vampire et s’en départit dans un récit centré sur une famille. Voilà donc un film qui ravira autant les amateurs de sensation, que les adolescents en mal de romantisme.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.