Ghostwriter
Le 14 avril 2004
Un premier roman ahurissant de maîtrise qui séduit à coup d’histoires déroutantes et pourtant vraisemblables.
- Auteur : David Mitchell
- Editeur : Editions de l’Olivier
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Paru en 1999 en Grande-Bretagne, Ecrits fantômes a très vite été repéré par la critique comme une pièce de choix. Ce premier roman vaut effectivement le détour, tant pour ses qualités littéraires que pour le talent de son auteur à nous séduire à coup d’histoires toutes plus déroutantes et pourtant plus vraisemblables les unes que les autres.
Ecrits fantômes, c’est un puzzle en neuf pièces qui s’imbriquent mais qui s’accommoderaient aussi bien d’une existence autonome. Sauf que David Mitchell, ce jeune écrivain britannique dont il faudra à tout prix surveiller les prochaines productions [1], en a voulu autrement. Baladant son lecteur du Japon à Saint-Pétersbourg en passant par New York et la Mongolie, il met en scène des personnages aux trajectoires si divergentes qu’elles semblent ne jamais pouvoir se rencontrer. Et pourtant, en une fraction de seconde, les destins se croisent, et le protagoniste d’une histoire finit par porter, sans le vouloir et sans jamais l’apprendre, une responsabilité, même infime, dans le déroulement de l’histoire suivante.
Il est alors possible de lire le roman de Mitchell comme un jeu de pistes. Mais même avec le meilleur flair, même doté de la meilleure disposition pour déjouer les pièges des livres à suspense, on se prend régulièrement les pieds dans ce mystérieux fil d’Ariane tissé comme une chaîne des causalités. Et si l’on se fait surprendre ainsi, c’est parce que les neuf morceaux du puzzle, fabriqués à partir de ce qui se fait de meilleur dans toute la littérature contemporaine en matière de fiction, se suffiraient quasiment à eux-mêmes. Se jouant de changements de styles et de genres pour dérouter un peu plus le lecteur, Mitchell crée des univers avec une précision et une densité telles qu’on y plonge sans effort ni retenue, et qu’on en oublie de confronter les indices d’une histoire à l’autre. Si bien que l’on n’imagine même plus qu’il puisse y avoir un rapport entre les démêlés avec le Pentagone d’une scientifique irlandaise spécialiste de cognition quantique et la vie amoureuse de Satoru, mélomane japonais passionné par le jazz, tant on est absorbé par leurs existences.
Mitchell, en plus de l’inventivité et de l’audace avec lesquelles il s’approprie la matière littéraire, a un vrai talent de conteur qui sait gagner la confiance de son auditoire. Ecrits fantômes est de surcroît servi par une traduction magnifique, qui rend à la perfection la poésie des paysages désolés de la Mongolie aussi bien que celle d’une conversation entre la vieille Chinoise et son arbre sur la Montagne Sacrée.
David Mitchell, Ecrits fantômes (Ghostwritten, traduit de l’anglais par Manuel Berri), Éd. de l’Olivier, 2004, 530 pages, 21 €
[1] A quand la traduction de Number9Dream, sorti en 2003 et Cloud Atlas, sorti en 2004 chez Random House ?
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