Dune, un chef d’oeuvre de la science-fiction- Nicolas Allard - critique

Critique : Le livre de Nicolas Allard semble bien maigre à côté de son sujet. En effet, le cycle original de Dune comprend six livres, publiés entre 1965 et 1985, soit l’équivalent d’une génération. En seulement 180 pages, l’auteur réussit ici le tour de force d’analyser l’œuvre de façon tout à fait pertinente, très accessible pour quiconque a lu au moins les premiers tomes. C’est d’ailleurs la condition pour aborder ce livre : il s’agit d’une analyse et des éléments clés de l’intrigue sont révélés, il ne s’agit en aucun cas d’une introduction à l’univers d’Herbert.

Si Dune intéresse autant en ce moment, ce n’est pas seulement en raison de la sortie de son adaptation par Denis Villeneuve prévue en décembre 2020, désormais repoussée en octobre 2021, mais bien en raison de l’actualité des thèmes évoqués par ce chef-d’œuvre de la science-fiction, à savoir l’écologie, la place des femmes et le fanatisme religieux.

Nicolas Allard y consacre une grande partie de son livre : comment Frank Herbert a-t-il imaginé un univers où la ressource en eau serait tellement problématique que la moindre goutte devient précieuse, comment la question d’un ordre féminin peut-elle changer la face des mondes ? D’autres thèmes sont envisagés, qui occupent actuellement les esprits sur l’ensemble de la planète. Rappelons-le, ces années-là, en Occident du moins, sont celles de l’abondance économique, de l’émancipation des femmes, des progrès technologiques… et pourtant Herbert, guidé par son parcours de vie et son érudition, s’intéresse aux déserts, au monde arabe et aux populations aborigènes. Avec son œuvre, il réécrit le monde tel qu’il perçoit qu’il pourrait être, anticipant les grands défis de l’Humanité. Un véritable visionnaire.

Nicolas Allard nous donne également une version de la genèse de Dune très complète. Les influences de l’œuvre sur les grands succès de la science-fiction comme Star Wars y sont répertoriées. Le parallèle est d’autant plus intéressant qu’en procédant de la sorte, l’auteur se détache des supports que peuvent être le livre ou le cinéma, pour ne conserver que les mondes créés, les personnages, les situations. Le cycle de Dune est sans nul doute une œuvre littéraire remarquable, par la diversité certes de l’imaginaire, mais aussi par ses procédés stylistiques. Ainsi, les pensées intérieures des personnages sont très présentes. A l’inverse, Star Wars peut paraître plus manichéen, beaucoup plus visuel, et donc a toute sa place au cinéma. L’auteur corrobore d’ailleurs son propos en faisant état des difficultés d’adaptation du chef-d’œuvre de science-fiction à l’écran, des limites qu’imposent la structure du roman et la complexité des personnages.
Comme pour mieux illustrer cette analyse, l’ouvrage s’accompagne de dessins à l’encre de chine d’Emmanuel Brière Le Moan, une vingtaine au total. La sobriété des illustrations fait écho aux univers arides du roman, contrastant avec la couverture colorée du livre.
Allard aborde enfin la figure du héros. De manière très didactique, il présente la construction de Paul Atréides, comme celle d’un héros qui n’est pas celui que l’on retrouve à l’époque, dans les ouvrages de science-fiction. Sa naissance fut confortable et ses capacités optimales. Et son itinéraire sera davantage l’affaire de choix, plutôt qu’un destin vécu comme un fardeau. Herbert a écrit un personnage qui embrasse, quelles que soient les circonstances, les événements venant à lui, ce qui constitue une singularité dans la typologie du protagoniste.
Ce livre se présente donc comme le guide de nos mémoires dans l’univers de Dune et il remplit pleinement sa mission. Il condense ici les traits saillants du livre, les personnages, les thèmes abordés, grâce à une écriture simple, tout à fait abordable. Une lecture parfaite avant de retrouver la saga des Atréides à l’écran.