Le 5 juin 2018
C’est dur de vieillir sans style. A chaque page, Nicolas Rey nous le démontre.
- Auteur : Nicolas Rey
- Editeur : Au diable vauvert
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 15 mars 2018
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Nicolas Rey a commis un plagiat. Il est ruiné. Il est malade et les médecins ne sont guère optimistes. Cette fois dos au mur, il décide de tout raconter pour se libérer de ses crimes. Et de ne plus mentir. Car il mentait. Depuis longtemps, à tous et toutes. Voilà donc enfin sa grande catharsis, sa confession, voilà son grand roman rédempteur sur le mensonge. Enfin, il avoue tout et dit la vérité, toute la vérité. Sur tout : maladie, argent, drogues, inspiration et pannes, plagiat, infidélité, lâcheté masculine, amour et tromperies, travail, amis, famille... On reconnaîtra bien des protagonistes et on s’amusera à découvrir les autres. On rira beaucoup, on sera ému aux larmes. Si le roman c’est le mentir-vrai, Nicolas Rey écrit une désopilante fiction du réel, dans laquelle la vérité devient fiction. Mais de sa vie à ses relations avec les éditeurs, c’est aussi l’envers du décor et la condition d’un auteur du vingt-et-unième siècle qu’on lit. Un auteur de haut vol !
Notre avis : C’est le genre de livre dont les médias raffolent : celui de la rédemption. D’autant plus jouissif que son instigateur, un écrivain qui fut brillant, crie son désir de rentrer dans le rang. Mais finalement peu importe : qu’on nous excuse de couper court et ne pas faire nôtre l’interrogation de Diderot : est-il bon, est-il méchant ? Car, après tout, l’essentiel n’est pas de se demander si les frasques du personnage sont autofictionnelles ou autobiographiques et qu’on y reconnaisse une vraie propension à mentir, dont son auteur cherche à se délier, méritant en cela le pardon collectif. On n’entrera pas dans cette oeuvre une chasuble et un goupillon à la main.
En vérité, l’art se contrefiche de la morale et tous ceux qui, depuis la promotion du dernier Rey, se sont aventurés sur ce terrain, ont surtout commenté un corps métamorphosé par la drogue, l’alcool. Ils ont préféré, plutôt que d’affronter vraiment le texte, se référer à une mythologie de l’écrivain, qui dissimule l’essentiel : la forme littéraire. Là encore, des critiques ont cru déceler que chaque énoncé avait coûté à l’artiste, lorgnant sans doute sur l’artisanat du style flaubertien, parce qu’il est dur, comprenez-vous, de regarder son ordinateur et son coca light de biais, en devinant que la nuit sera laborieuse. Nicolas Rey est certainement coupable de complicité, qui ferait mieux de nous épargner les affres de l’auteur en panne d’inspiration. Qu’il travaille ses énoncés plutôt que de penser à les écrire. Ou qu’il se taise.
Mais au moins, le constat s’avère implacable : oui, pour la littérature, momentanément, c’est cuit. Oui, cet écrivain est à présent mûr pour répondre à des interviews people, jouer le paillasson de service sur lequel on s’essuie, la compassion à la main, en lui souhaitant le meilleur pour sa santé. Oui, les questionneurs ont jusque-là plutôt évité la littérature comme s’il s’agissait d’un horizon qui ne le concernait plus, mais ne les intéresse pas davantage. Rey a écrit son texte pour des gens qui n’aiment pas lire, ont autre chose à faire, mais veulent bien s’apitoyer une heure sur le destin d’un homme trop gâté et pas assez raisonnable. Cette psychologie de bazar est bonne pour Paris Match ou Femme Actuelle et peut-être que l’auteur s’adresse maintenant à eux, pour qu’on le console et forcer un passage dans la compassion commune, à coup de phrases creuses ou mal écrites.
Un exemple, un seul : Rey, c’est le type qui, il y a plus de quinze ans, vous esquissait un portrait en quelques traits fulgurants : "Ma mère, un genre de crime, de beauté insatisfaite" (dans Un début prometteur). Aujourd’hui, c’est le lourdaud qui vous pond des phrases, en nous faisant croire qu’elles lui ont valu des heures ascétiques : "Dès qu’il pénètre sur scène, je vois l’envie de tuer dans ses yeux". Pire encore : les images à la truelle sorties du dictionnaire des clichés -"Mathieu jouait comme un ange possédé par les démons du rythme" ou les redondances qui piquent, le récit en est plein : "Je me disais que rien n’était jamais perdu et qu’en toutes circonstances il fallait toujours espérer".
Cet homme, si conscient de son naufrage artistique, en vient à emprunter une nouvelle pour un recueil et le regrette durant quasiment tout le texte. Le simple aveu, croit-il, aura valeur de sauf-conduit, alors que l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est dans l’absence : un frappé de la phrase qui fait tellement défaut, un sens de la concision hélas disparu.
Pour tout dire, on se demande à la relecture ce qu’un éditeur peut bien trouver à un livre pareil. Peut-être qu’on n’ose pas contrarier celui qui fut grand.
En fait, pour tout dire, on devrait.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.