Dialogues - La chronique BD

Donner à César un accent des banlieues, à Dracula des raisons d’achever sa non-vie, manquer les derniers mots d’un frère de combat à cause d’une vidéo Youtube, accepter que Platon dise aussi des conneries... Autant d’idées absurdes que de gags imaginés par Karibou, qui reprend page après page les grands mythes, les personnages cultes et les figures emblématiques dans des dialogues sans foi ni loi, sinon celle de l’humour. L’idée est séduisante et sympathique : lire Dialogues, c’est l’assurance de ne pas se faire assommer par la culture, encore que... Chaque page en appelle à des connaissances, d’Homère au cinéma d’action contemporain en passant par les religions, le principe d’intertextualité est ici poussé à l’extrême, chaque blague se référant à un passage de l’histoire ou de la littérature extrêmement classique et sérieux. N’y voir qu’une bête parodie serait incomplet, car les sujets supposent une culture riche et surtout ouverte. Si certaines planches se révèlent un peu lourdes, surtout au début, l’ouvrage mérite d’aller plus loin car il est alors plus aisé de sourire imperceptiblement devant une vanne, une accroche ou une réponse bien sentie. Curieusement, l’effet comique s’affine avec le temps et les pages, certaines scènes ou personnages revenant ainsi avec plaisir.

© Delcourt

Le dessin est on ne peut plus sobre, pouvant faire penser à quelque blog (Karibou est d’ailleurs très actif sur Twitter !) ou comic hebdomadaire, avec un trait unique qui semble englober personnages et décor dans son intégralité, des lignes basiques qui donnent l’impression d’être parfois détaillées, avec le visage et les mains qui peuvent être scrutés par le lecteur, parfois balayés, comme une falaise à peine tracée. Les quelques couleurs, tâche de rouge sang, camouflage militaire grossier, viennent rythmer des pages assez monotones mais qui jouent sur cet effet dénudé, voulant donner la primauté à la parole avant toute chose.

© Delcourt

Recueil humoristique et fourmillant de références, Dialogues pourrait bien devenir un de ces ouvrages cultes tant il impose sa curiosité dans le paysage BD. A mi-chemin entre la dénonciation de l’absence de culture et sa vulgarisation peu crédible, Dialogues peut être adoré ou détesté, mais certainement pas laisser indifférent.