Le 15 novembre 2016
L’un des grands films d’Imamura, violent et douloureux.
- Réalisateur : Shohei Imamura
- Acteurs : Shigeru Tsuyuguchi, Masumi Harukawa
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Elephant Films
- Durée : 2h32mn
- Titre original : Akai Satsui
- Date de sortie : 2 août 1989
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– Année de production : 1964
– Sortie DVD : le 15 novembre 2016
Résumé : Après avoir accompagné son mari à la gare et envoyé son fils chez sa belle-mère, Sadako est suivie jusque chez elle par un jeune homme. Celui-ci force la porte de sa maison et la viole. La jeune femme, humiliée, en garde le secret. Quelques jours plus tard, Hiraoka, revient et lui explique que malade du cœur, il ne lui reste que peu de temps à vivre. Une passion déchaînée va lier ces deux amants et Sadako ne voit qu’une seule issue : la mort.
Notre avis : Désir meurtrier appartient à une période féconde de la carrière d’Imamura, après Cochons et cuirassés, La femme insecte, et avant Le pornographe et Le profond désir des dieux ; dans cette étonnante série de grands films, le cinéaste approfondit thèmes et styles, trouve sa manière et sa matière, cette façon unique de scruter l’humain avec un regard d’entomologiste. Mais réduire Imamura à une vision disons naturaliste est proche du contresens tant son œuvre excède les codes et les registres : Désir meurtrier est certes un portrait de femme, en même temps qu’une réflexion sur la condition sociale, mais c’est aussi un regard pessimiste sur l’homme en général, troué d’échappées oniriques, ou étranges. De même y a-t-il une opposition certaine entre des plans volés à la réalité, peut-être en caméra cachée, et d’autres à la limite de la composition précieuse. C’est que la réalité selon Imamura échappe à des étiquettes, elle se cesse de nier ou contredire ce qui précède : ainsi une porte de train s’ouvre-t-elle sur la mer ; une chute peut ne pas se conclure, on peut croiser des sorcières ; et pourtant c’est bien notre monde, celui des accidents de voiture, de la tentation adultérine et meurtrière.
En suivant le parcours de Sadako, Imamura dresse les portraits successifs d’êtres veules, égoïstes, prisonniers des murs qu’ils se sont créés. Il multiplie les plans sur-cadrés, enfermant hommes et femmes entre des portes, fenêtres, étagères de livres, marches d’escalier : coincés, ils se débattent finalement assez peu, considérant un peu à la manière des personnages de Beckett que ce qu’ils ont est finalement mieux que rien. Alors ils se raccrochent, parfois physiquement, à l’autre, ils gémissent, se lamentent tout en insultant et violentant. C’est qu’ils sont aussi pitoyables, malades : le cœur pour l’amant, les poumons pour le mari : Sadako leur est une infirmière au moins autant qu’une amante. Peu de paroles douces ici, c’est au moment de mourir que Hiraoka lui dit qu’il l’aime, ce dont le mari est incapable ; mais les autres non plus ne semblent pas très doués pour la vie, de la mère acariâtre à la bibliothécaire geignarde, des voisins qui se déchirent à l’enfant handicapé.
Si tout ce monde passe son temps à réclamer de l’amour sans en donner, à se plaindre sans regarder l’autre, il évolue dans un cadre sordide dont Imamura souligne la vétusté et le gris uniforme ; il parvient même à faire ressentir le froid, notamment dans la longue marche dans la neige, épuisante aussi pour le spectateur. L’obsession de la bibliothécaire la conduit à une poursuite dangereuse, elle qui cherche la même légitimité que Sadako, mais l’ironie du film la fait périr ailleurs, dans une séquence d’une violence brutale.
Le cinéaste ne traite pas cette histoire avec une économie classique : il est plutôt dans l’excès, dans l’insistance ; entre les animaux (souris, chenille) qui redoublent le drame humain, l’utilisation complexe de la voix off, tantôt voix intérieure, tantôt écho du passé, il fait de cette intrigue simple un film proliférant, exagéré même par la mise en scène voyante. On voit en effet assez peu de réalisateurs oser l’arrêt sur image, le plan négatif, voire des profondeurs de champ irréalistes. C’est qu’il plie la réalité à sa vision, loin d’un réalisme plat ou respectueux. Alors les chemises peuvent voler et la voix off devenir un chœur antique …
Désir meurtrier est assez long, presque deux heures et demie ; et pourtant c’est peu dire qu’on ne sent pas le temps passer : en réinventant constamment une intrigue aussi simple et qui devient par moments labyrinthique, mais également en parvenant par des moyens très cinématographiques à une émotion intense ou un érotisme brutal, Imamura donne à voir dans toute sa noirceur complexe une humanité déboussolée, inapte au couple comme à la famille mais terrorisée par la solitude. Ce n’est certes pas reluisant, mais intelligent et stimulant en diable.
Les suppléments :
L’habituelle et fine présentation de Stephen Sarrazin résume l’intérêt du film d’une manière très descriptive (11 minutes 30) ; elle est complétée par des bandes-annonces et une galerie photos.
L’image :
Soignée en général, la copie présente de menus défauts selon les plans (fourmillements excessifs, manque de contraste) mais l’image reste parfaitement lisible.
Le son :
Une seule piste VO avec sous-titres obligatoires : la mise en valeur des voix et des bruitages donne beaucoup de présence à une bande-son très travaillée, même si le manque de finesse et de précision se fait parfois sentir.
Galerie Photos
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