Le 21 mai 2019
Un drame social âpre, sur fond d’occupation américaine. Un film engagé où l’on reconnaît la manière entomologique d’Imamura.
- Réalisateur : Shohei Imamura
- Acteurs : Hiroyuki Nagato, Masao Mishima, Jitsuko Yoshimura
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Mary-X Distribution
- Durée : 1h 48min
- Titre original : Buta to Gunkan
- Date de sortie : 22 mai 2019
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Résumé : Après-guerre, l’armée américaine s’installe à Yokusuka, à 30 kilomètres de Tokyo, et en fait une base navale. Gangsters et prostituées y voient l’occasion de profiter de la situation. Kinta et sa petite amie Haruko tentent de survivre dans cette corruption généralisée. Le jeune homme commence à travailler pour une bande de Yakuza reconvertis dans le commerce de cochons nourris par les déchets des bases américaines. Un jeu dangereux...
Notre avis : Prototype du drame social, le cinquième film de Shōhei Imamura offre un portrait sans concession du Japon de l’après-guerre, où les plus nécessiteux sont pris en tenaille entre les yakuzas qui sévissent, imposant leurs trafics de drogue, de prostitutions ou d’animaux et les GI tout de blanc vêtus, qui se croient en terrain conquis. L’impossible histoire d’amour de Kinta et Haruko est définitivement enterrée par la puissance d’un déterminisme qui accable une population défavorisée, ne lui laisse que le choix de la corruption. Influencé par L’ange ivre, d’Akira Kurosawa, dont le propos évoquait déjà la violence de la pègre japonaise, ce film âpre est émaillé de scènes inoubliables : ainsi, la fuite des porcins, dans les rues de la ville, est lestée d’une dimension allégorique qui marquera d’autres cinéastes (on pense en particulier à Kornél Mundruczó et son film White God).
Le titre initial du long métrage, Cochons et cuirassés, bien plus séditieux que son doublon français Filles et gangsters, ne laisse aucun doute sur la cible du film : les forces américaines d’occupation. Leur présence est reliée à la situation socio-économique du pays et au délitement des liens entre les citoyens. Goujats ou brutaux, les soldats américains n’ont pas le beau rôle. Ils n’hésiteront pas à saouler puis à violer la pauvre Haruko, qui, cherchant à fuir son désarroi sentimental, a décidé de sortir en ville. La scène est pudiquement mise à distance, à travers une vue en plongée, dont l’image se met à tournoyer. A plusieurs reprises, la caméra s’éloigne de ce qu’elle filme, comme si le regard disait son dégoût, cherchait la tangente. A ce titre, on retient le superbe travelling arrière, dans les premières minutes, qui saisit l’ambiance d’une rue populaire, encombrée par la présence de jeunes hommes américains braillards et triomphants.
Si parfois certaines séquences flirtent avec une exagération mélodramatique -on pense en particulier à la réaction de Kinta, mortellement blessé au cours d’un affrontement avec d’autres yakuzas, on songe aussi à quelques explosions de colère particulièrement outrées-, ce long métrage frappe par l’audace de son propos, qui s’en prend aussi à une servitude volontaire des Japonais, métaphorisée selon une manière entomologique, qui annonce bien sûr La femme insecte (son héroïne tente d’échapper à sa condition, comme Haruko) ou L’anguille, bien des années plus tard.
Cette œuvre corrosive coûtera cher à Imamura, artiste repéré à l’international, en tant que cinéaste important d’une nouvelle vague japonaise, mais momentanément blacklisté des studios de la Nikkatsu.
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