Le 14 avril 2022
Imamura filme avec une sobriété exemplaire, émaillée de quelques scènes hallucinantes, le traumatisme du bombardement d’Hiroshima, la mort qui continue d’œuvrer dans l’âme et le corps des survivants.
- Réalisateur : Shohei Imamura
- Acteurs : Shôichi Ozawa, Kazuo Kitamura, Yoshiko Tanaka, Norihei Miki, Etsuko Ichihara
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : The Jokers, La Rabbia, Les Bookmakers
- Durée : 2h04mn
- VOD : La Cinetek
- Date télé : 30 août 2021 22:50
- Chaîne : Arte
- Reprise: 11 mai 2022
- Titre original : Kuroi Ame
- Date de sortie : 30 octobre 1989
- Festival : Festival de Cannes 1989
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– Sortie en version restaurée : 11 mai 2022
Résumé : Hiroshima, 6 août 1945. La vie suit son cours, comme tous les jours. Un terrible éclair déchire le ciel. Suivi d’un souffle terrifiant. Et l’Enfer se déchaîne. Des corps mutilés et fantomatiques se déplacent parmi les amas de ruines. Au même moment, Yasuko faisait route sur son bateau, vers la maison de son oncle. Une pluie noire s’est alors abattue sur les passagers. Ils ne savaient pas, ils ne savaient rien Quelques années plus tard, les irradiés sont devenus des parias dans le Japon d’après-guerre.
- © 1989 Tohokushinsha Film Corporation, Imamura Production © 2022 The Jokers. Tous droits réservés.
Critique : D’une évidence aussi poignante que l’admirable Vivre dans la peur d’Akira Kurosawa, le magnifique film d’Imamura, adapté du roman de l’écrivain japonais Masuji Ibuse, débute de manière impressionnante par la tragédie d’Hiroshima, documentant par quelques images implacables les conséquences de l’explosion atomique : ainsi, la caméra saisit le corps d’un jeune adolescent dont les mains ont fondu, la folie d’un homme qui, après avoir constaté l’anéantissement de la ville, bascule par la fenêtre, la déraison d’une femme chassant le monde alentour, sa douleur condensée dans un simple cri : « J’ai mal », des anatomies dépecées évoquant « L’homme qui marche » de Giacometti, réduites à leur apparence filiforme. Le choix du noir et blanc accentue le contour de ces êtres devenus des ombres, dans un environnement qui s’embrase. Sans surligner la dimension spectaculaire de cet enfer terrestre, Imamura parvient à susciter l’émotion, en juxtaposant les déambulations hagardes des habitants, des cadavres recroquevillés glissant au fil de l’eau, le témoignage halluciné d’un homme assoiffé, encerclé par une prison de bambous, revivant la mort de son fils, les jambes coincées par des poutres. Un peu plus tard dans le récit, des corps entremêlés agitent faiblement leurs bras, comme des pattes d’insectes.
- © 1989 Tohokushinsha Film Corporation, Imamura Production © 2022 The Jokers. Tous droits réservés.
Pluie noire est une impressionnante réalisation qui justifie son titre par les vêtements maculés de Yasuko, peu après l’explosion de la bombe atomique, tandis que son bateau se rapproche de la rive et que des gouttes noires tombent comme du goudron sur ses épaules. Cinq ans après la catastrophe, ceux qui ont survécu sont les réprouvés de la société japonaise, Yasuko en premier, dont on ne sait si elle a été irradiée, mais qui ne parvient pas à trouver le bon parti pour se marier, au grand désespoir de son oncle et de sa tante. Ces derniers s’occupent d’elle et sont également menacés par les effets rétroactifs de la bombe, œuvrant avec une patience sournoise. La nuisance qu’engendrent les rumeurs accable la famille, leurs conséquences s’avèrent tout aussi redoutables que les effets pérennes d’une irradiation.
Le metteur en scène filme un monde devenu littéralement irrespirable : l’obsessionnel Yuichi, rendu fou par la guerre, se croit toujours assailli par les ennemis, les habitants demeurent sous la menace d’une mort subite, les relations sociales se délitent dans une situation devenue entropique, de dérisoires superstitions tentent de maintenir à distance la funeste fatalité, les enterrements se succèdent, la vision des disparus hante les vivants.
L’univers que met en scène Imamura, à travers une lente et implacable progression tragique, donne à Pluie Noire la dimension d’un poème élégiaque, transfigurée par une mise en scène remarquable.
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