Le 1er juillet 2019
Au point mort…. au fil des pages, cette enquête policière qui fige le narrateur au centre d’une bibliothèque, dont il devient l’improbable héritier, reste désespérément au point mort. Cette enquête - telle la lecture d’une bande dessinée Philémon de Fred - progresse en virevoltant, régresse en alternant ordre dispersé et chaos structuré, inertie et mouvement, chien diégétique et chat métaleptique tous azimuts. A moins que ce ne soit le contraire…


- Auteur : Le Minot Tiers
- Editeur : La ligne d’Erre
- Titre original : Des miroirs et des alouettes
- Date de sortie : 1er avril 2019
- Plus d'informations : Site de la maison d’édition "La ligne d’erre"

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Résumé : Un personnage principal détestable, un narrateur envahissant, une histoire improbable, des univers qui se télescopent, une maison qui concentre l’intrigue. OVNI littéraire, Des miroirs et des alouettes est un voyage imaginaire, un roman atypique qui, mêlant les registres d’écriture et les récits enchâssés, dit autant sur son auteur, sur vous, sur nous que sur le monde complexe dans lequel nous vivons. Une mise en abîme sur le thème du double, de l’autre, de l’ici, de l’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Un roman pour celles et ceux qui ne se retrouvent pas dans la littérature actuelle, policée et prévisible.
Notre avis : Le narrateur, écrivain empêché devenu inspecteur contrarié, héritier d’un hypothétique correcteur retrouvé mort dans sa maison sans adresse, donne quelques ficelles des clés du succès de best-sellers, pour s’en démarquer. Au passage, il égratigne éditeurs, universitaires, hommes politiques, etc. et s’en moque allègrement. En obsédé d’une compréhension spatio-temporelle du monde, l’auteur, géographe puise dans les récits d’exploration la matière de sa désorientation. L’auteur finira par parler de « sérendipité ». Il compense le désordre du temps par un sentiment d’assurance quant à l’espace. Ainsi, tente-t-il de dépasser la fugacité des transitions existentielles par une pseudo-maîtrise et possession de la nature, a priori facile à cartographier et à mesurer. Cela s’avère vite une illusion. Le narrateur joue sur la stabilité des représentations toutes faites et des notions pré-conçues sur lesquelles Gaston Bachelard - référence revendiquée en exergue - nous a mis en garde comme autant d’obstacles épistémologiques. Ce n’est pas un hasard. Le roman défend une position scientifique et porte une réflexion sur le vrai et sur le faux en littérature comme dans la vie. C’est la raison pour laquelle le narrateur - redevenu écrivain pour l’occasion - débat avec ses personnages sur l’authenticité de sa parole et sur la réalité et l’illusion onirique de son cosmos diégétique. Il présente son roman comme un « horizon d’attente » qui le prend à défaut, le forçant à reconnaître qu’il ment et que d’une certaine manière, son oeuvre s’écrit toute seule, indépendamment de lui, avec des personnages qui vagabondent à droite, à gauche.
Agaçé, le narrateur, tel un démiurge plutonien plutôt que jupitérien, tout en dressant une « cartographie littéraire » des lieux imaginaires et des u-topies, est obligé de rappeler à l’ordre les personnages qu’il a créés, personnages qui frisent l’irrévérence et flirtent avec l’émancipation… Usant de « métalepse narrative », le roman souvent teinté de solipsisme est donc un dédale dont le Minotaure se dérobe à notre vigilance. Inutile de préciser que ce premier opus d’une trilogie peut déboussoler les amateurs de romans bien ciselés, selon les recettes qui ont fait leur preuve. L’« effet de cliquet » fonctionnera-t-il ? Attendons la publication de la suite de l’histoire en septembre, pour le savoir et pour défendre une maison d’édition qui se donne les moyens d’attirer et de perdre le lecteur dans la fable.
Le Minot Tiers : « Des miroirs et des alouettes »
La ligne d’erre Éditions
200 pages - 13 €