Le 25 juillet 2023
Ferraniacolor et pâturage pictural pour une comédie socio-anthropologique à forte empreinte politique. Le film allie le sourire, le conte de fées rural et le surréaliste à une réflexion significative sur le rôle du couple dans la société.
- Réalisateur : Giuseppe De Santis
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Gabriele Tinti, Marina Vlady, Angelina Longobardi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h49mn
- Reprise: 30 septembre 2020
- Titre original : Giorni d'amore
- Date de sortie : 23 novembre 1955
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– Année de production : 1954
Résumé : Dans un village du Bas-Latium, les deux paysans Pasquale et Angelina attendent de pouvoir se marier. Malheureusement, les deux doivent faire face aux maigres ressources économiques de leurs familles respectives, qui ne peuvent pas se permettre un mariage riche et enviable. Après de longs discussions, les familles proposent aux deux amoureux de résoudre le problème avec une fuite d’amour : après cela, un mariage réparateur implique des coûts bien inférieurs.
Critique : Avec Jours d’amour, Giuseppe De Santis donne forme à une œuvre singulière qui, tout en restant fidèle à l’esprit néoréaliste, le réinterprète selon des clés renouvelées. D’une part, l’histoire (le couple qui ne peut se marier faute de manque de moyens) et le cadre social et anthropologique (la campagne du Latium) sont strictement néoréalistes. En revanche, De Santis découvre ici la couleur (le film a été tourné en Ferraniacolor) et une mise en scène volontairement perfectionniste et fictive, qui fait clairement appel à une sensibilité picturale. Cependant, il s’agit d’une réinterprétation du style cinématographique néoréaliste assumée et renforcée par une réflexion politique, articulée sur l’évocation de dynamiques de classe qui imprègnent la vie d’un village rural. De Santis revient à ses origines, replaçant l’histoire dans le contexte de Fondi, son village natal, avec le soutien de collaborateurs de haut calibre, notamment Elio Petri (assistant réalisateur), le scénariste Libero de Libero (poète et critique d’art) et Domenico Purificato (peintre natif des lieux) qui contribue à la scénographie et aux costumes. Le film est traversé par la cohérence picturale des images de De Santis, qui s’amalgame à une utilisation créative de la caméra.
- Copyright Carlotta Films
Au début, De Santis donne une consistance à la réalité du travail agricole, dans une séquence qui dessine en même temps des dynamiques sociales prédéterminées ; le soin dans la composition des plans, le respect de la profondeur de champ traduisent une véritable chorégraphie de poses et d’attitudes qui répondent à des interactions sociales précises. De même, dans les séquences tournées en intérieur, on retrouve des plans surchargés, où les personnages s’entassent et se faufilent dans des espaces physiques confinés, où leurs rêves et désirs restent inexorablement frustrés. Dans un décor de comédie rurale, Jours d’amour s’ouvre sur une première demi-heure au cours de laquelle tous les personnages ne font que parler d’argent, analysant les factures et les dépenses à engager pour tenter d’épargner le plus possible. De cette manière, De Santis évoque, avec le sens critique qu’on lui connaît, une société qui, incarnée dans l’argent, parvient à gérer d’en haut la vie des individus. En fait, même parmi les masses paysannes, le mariage doit être un événement décent, une ostentation de bien-être et de richesse, une source d’envie pour les voisins et les invités. Après un début obsessionnel autour de l’argent, De Santis avance vers un tournant paradoxal de l’histoire, s’ouvrant à des échos expressifs parfois surréalistes. Afin d’économiser sur le mariage pour réduire les coûts à quasiment zéro, les deux familles proposent au couple d’organiser une escapade romantique.
- Copyright Carlotta Films
Un mariage avec une mariée déshonorée annule en effet toute dépense : il est célébré sans de véritable rituel, sans invités et ni robe blanche. Lors de la fuite, les familles du couple font semblant de se quereller suite au déshonneur commis par Pasquale, donnant vie à une séquence dans laquelle les personnages montrent toute leur difficulté à assumer les rôles envisagés par un théâtre social auquel ils sont incapables de s’adapter. Au milieu de ce vaudeville burlesque, Pasquale et Angelina vivent leur évasion, mise en scène avec un rythme de l’action et un temps narratif plus dilaté. Profitant de l’isolement, les deux s’ouvrent peu à peu à l’expression individuelle, au dialogue, à la connaissance mutuelle, loin de l’interférence familiale. Pendant leur fuite, il y a aussi place pour une rencontre avec un groupe de Gitans, expression d’un modèle de vie libre et loin de ces chemins obligés de la société villageoise. Plus efficace encore est la séquence consacrée à la tentative de rapport sexuel dans la cabane, où De Santis recourt à un montage serré entre des gros plans des protagonistes et des regards d’animaux menaçants, qui semblent juger tacitement les deux amants. "Comment ces jours sont passés vite", conclut Angelina après la célébration du mariage tant attendu. C’est une réplique significative, étroitement liée au titre et au style de l’auteur De Santis, qui souvent laisse aux dialogues des personnages (parfois au début, ici à la fin) exprimer le fond de sa pensée. Cette évasion absurde et préméditée est en fait la seule parenthèse ludique d’une existence marquée par le temps du travail et de la famille, les seuls vrais jours d’amour. Pour son interprétation dans le rôle de Pasquale, Mastroianni gagna le Nastro d’argento.
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