Le 4 juin 2021
Un sujet fort, rarement évoqué par le cinéma français, et des acteurs éblouissants. On regrette les voix off trop explicatives et une froideur ambiante qui nuit à l’émotion.
- Réalisateur : Lucas Belvaux
- Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Gérard Depardieu, Catherine Frot, Yoann Zimmer, Ahmed Hammoud, Félix Kysyl, Édouard Sulpice, Fleur Fitoussi
- Genre : Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 2 mars 2022 22:59
- Chaîne : Canal+
- Date de sortie : 2 juin 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020, Festival d’Angoulême 2020
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Résumé : Ils ont été appelés en Algérie au moment des "événements" en 1960. Deux ans plus tard, Bernard (Gérard Depardieu), Rabut (Jean-Pierre Darroussin, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Critique : Adaptation d’un roman éponyme de Laurent Mauvignier, Des hommes revient sur la guerre d’Algérie et ses séquelles, un sujet qui a toujours embarrassé le cinéma français. Cet embarras reflète le malaise suscité par cette thématique au sein même de la société française, y compris plus d’un demi-siècle après les accords d’Évian. De la censure à l’encontre d’Avoir 20 ans dans les Aurès (1972) de René Vautier à des groupuscules manifestant contre la projection cannoise de Hors-la-loi (2010) de Rachid Bouchareb, cette période de l’Histoire fut et demeure sensible. On ne pouvait qu’être curieux de découvrir l’approche de Lucas Belvaux, lui qui avait abordé la montée de l’extrême droite dans Chez nous, après avoir dressé le portrait naturaliste de microscomes avec La raison du plus faible ou 38 témoins. On savait aussi que le cinéaste pouvait s’approprier des matériaux tirés de faits réels, à l’instar de Rapt, basé sur l’enlèvement du baron Empain.
- Copyright Synecdoche - Artemis Productions Photographe David Koskas
Des hommes n’est pas exempt de qualités, à commencer par sa structure en flash-back, établissant un va-et-vient temporel permanent et plutôt subtil entre le présent et le passé. Une scène d’anniversaire qui voit l’arrivée intempestive d’un trouble-fête, suivie de l’agression d’une famille algérienne par le même individu, insuffle d’emblée au récit une atmosphère oppressante, renforcée par plusieurs passages clefs des retours en arrière : civils massacrés par des soldats racistes, militaires assassinés par des fellaghas… L’horreur répond à l’horreur. Et le repos du guerrier qui voit le jeune Bernard retrouver sa tendre fiancée ou boire des pintes avec son cousin ne saurait être qualifié de serein, tant la difficulté à dire l’indicible est manifeste. C’est de cette impuissance que traite le film de Belvaux, qui fait du traumatisme du soldat en Algérie le centre du récit, tout en établissant le parallèle avec les drames individuels que subissent les personnages au sein de cellules familiales conflictuelles (une sœur aînée insultée sur son lit de mort, une vieille mère dépouillée de son argent). Lucas Belvaux a ainsi déclaré dans le dossier de presse : « C’est un film sur la mémoire, les souvenirs, les cicatrices. Pour ceux qui en sont revenus, cette guerre ne s’est jamais terminée parce qu’on ne l’a jamais nommée, jamais considérée comme telle. Comme s’ils ne s’étaient jamais battus. Comme Fabrice à Waterloo, nos personnages n’ont vu que ce qu’ils ont vécu. C’est-à-dire des fragments, des instants. Ils ont fait ce qu’ils pensaient être leur devoir et se sont rendu compte, plus tard, qu’ils avaient été les rouages d’une mécanique terrifiante. Sans avoir nécessairement les mots pour en parler, sans être sûrs d’être entendus et compris ».
- Copyright Synecdoche - Artemis Productions Photographe David Koskas
Pourtant, le film de Belvaux ne convainc pas totalement. Sans doute cela est-il dû à un excès de voix off qui surligne les motivations psychologiques des protagonistes, et à une froideur ambiante qui nuit à l’émotion, en dépit de la force du scénario. Les personnages féminins manquent en outre de profondeur, à commencer par celui incarné par Catherine Frot, qui semble extérieur à l’action, malgré la présence presque continue de l’actrice à l’écran. L’usage d’images d’archives (dont celles de l’exil des pieds-noirs) semble plaqué et artificiel. Et le métrage semble scolaire dans son traitement dialectique, confrontant les points de vue sans prendre position, sans doute pour ne ménager aucune susceptibilité. On peut enfin estimer que l’auteur du fascinant triptyque Un couple épatant / Cavale / Après la vie est capable d’une mise en scène plus incisive. La solidité de jeu des interprètes est par contre indiscutable, à commencer par Gérard Depardieu, qui ne nous avait pas éblouis depuis longtemps. Si Darroussin et Frot sont également au top, Belvaux dirige une nouvelle génération de comédiens talentueux, dont Yoann Zimmer dans le rôle de Bernard jeune.
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