Le 31 mai 2021
Un tableau magnifique et douloureux des blessures qui ont défiguré les soldats revenus d’Algérie, et que la lecture du texte en voix off de Laurent Mauvignier illumine proprement.
- Réalisateur : Lucas Belvaux
- Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Gérard Depardieu, Catherine Frot, Yoann Zimmer, Félix Kysyl, Édouard Sulpice, Fleur Fitoussi
- Genre : Historique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 18 mars 2024 21:10
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 2 juin 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Ils ont été appelés en Algérie au moment des "événements" en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Critique : Bernard n’est plus un homme. Il est devenu une bête sauvage, recluse dans sa maison aux murs jaunes. Il n’est plus qu’insultes, alcool, racisme et violence. Son cousin, au contraire, n’est que raison et douceur. Le maire du village vient même le chercher quand il s’agit de calmer Bernard. Pourtant, les deux hommes ont fait la même guerre. Pas Verdun, non, la guerre d’Algérie dont la blessure n’est pas encore refermée aujourd’hui. Ils ont connu tous les deux les tortures, les corps arrachés. Ils ont appris à devenir des hommes dans le sang, la poussière brûlée par le soleil africain. Et Bernard est revenu de ce chaos, comme d’autres soldats, avec une plaie béante, des cauchemars dans la tête et, immanquablement, l’impossibilité de continuer à vivre sereinement.
- Copyright Synecdoche - Artemis Productions Photographe David Koskas
Deux époques se confrontent. D’abord, celle de l’ici et maintenant du récit. Solange, la petite sœur de Bernard, fête son anniversaire. La soirée est gâchée par l’intrusion malheureuse de son frère au milieu des convives, qui ne se privent pas de le mettre à l’index. Et, quarante ans en arrière, il y a les souvenirs d’Algérie. Bernard, son cousin, et les autres soldats sont de tous jeunes gens. Ils sont livrés en pâture à un conflit qu’ils ne comprennent pas. On leur a simplement dit que l’Algérie est la France et qu’il faut secourir les pieds-noirs qui y vivent. Entre les deux époques, ce sont les lettres que Bernard envoie à sa sœur. C’est surtout le magnifique texte de Laurent Mauvignier, issu de son roman éponyme, que Catherine Frot, Gérard Depardieu et Jean-Pierre Darroussin égrènent avec délicatesse et force à la fois. La puissance de l’œuvre littéraire facilite la mise en scène de la guerre que Lucas Belvaux veut sobre et dépouillée. Le plus difficile, le plus éprouvant se jouent dans les hors-champ. Car les mots de Mauvignier suffisent à raconter le pire.
- Copyright Synecdoche - Artemis Productions Photographe David Koskas
Mettre en scène un roman est un exercice complexe. Lucas Belvaux est un spécialiste de l’adaptation. 38 témoins ou Pas son genre en sont les meilleurs exemples. Cette fois, le cinéaste s’attaque à un sujet beaucoup plus complexe et controversé, à l’aune notamment de la montée des nationalismes en Europe. Le cinéaste prend le risque de diviser. Il parvient à montrer les ravages que la guerre a provoqués, même auprès des soldats les moins réceptifs à des thèses racistes ou fascistes. Il décrit aussi la question très sensible des pieds-noirs, puisant dans des images d’archives où l’on voit les familles, dépouillées de leurs biens, s’enfoncer dans des navires qui partent vers Marseille. Entre les deux, il montre que la réparation des traumatismes de guerre s’effectue dans le lâcher-prise, la décision personnelle de vivre avec ses démons et non plus de les combattre.
- Copyright Synecdoche - Artemis Productions Photographe David Koskas
Il faut saluer la prestation sans faute de Gérard Depardieu et Jean-Pierre Darroussin. Chacun d’eux interprète son personnage avec la colère ou la nuance suffisantes. Depardieu joue avec son corps qui peine à se vêtir, pousse la voix. Darroussin, au contraire, essaye de trouver le sommeil, d’aménager une paix intérieure. Catherine Frot s’invite entre les deux monstres de cinéma. Elle habite son rôle avec l’humanité et la pudeur qu’on lui connaît. Des Hommes signe le plaisir de voir à l’écran ces trois immenses figures du cinéma français. Le récit se déroule dans une fluidité constante, habitée par ces comédiens dont on imagine aisément que la direction a dû être des plus complexes. Bref, Des Hommes réussit son pari à la fois de donner chair au superbe livre de Laurent Mauvignier et de réunir, pour une heure quarante, trois grands artistes qu’on n’avait pas encore vus ensemble.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.