Der geheimnisvolle Klub (Le club mystérieux) - La critique

Cette trépidante course poursuite dans les ruelles et les canaux de Rotterdam n’est que joie de filmer le mouvement perpétuel et le passage incessant de l’ombre à la lumière.

L’argument : Après avoir reçu une lettre en provenance de Rotterdam l’informant que son frère s’est suicidé après avoir souscrit un contrat d’assurance sur la vie en faveur d’un club mystérieux Gerhard Bern se rend à Rotterdam pour mener son enquête avec l’aide de sa fiancée Ilse Verstraaten et d’un détective.
Il parvient à s’introduire dans le club par l’intermédiaire de l’avocat Van Gelden et découvre que des candidats au suicide y jouent leur vie aux cartes après avoir légué leur fortune à l’association. Lui-même signe, joue et tire l’as de pique. On le laisse seul avec un pistolet.
Pendant ce temps, Ilse, accompagnée du détective, se lance à la recherche du jeune homme qu’elle pressent en danger.

Der geheimnisvolle Klub (1913)

Notre avis : L’autrichien Joseph Delmont, réalisateur et interprète (dans le rôle du louche avocat Van Gelden) de ce trépidant film d’action à rebondissements inspiré, comme un des épisodes de Unheimliche Geschichten, d’une fameuse nouvelle de Stevenson (Le club du suicide), avait grandi dans un cirque ambulant et s’était fait un nom comme dompteur avant d’entamer sa carrière cinématographique aux Etats-Unis, pour la Vitagraph, puis de la poursuivre en Europe à partir de 1910.
L’esprit du spectacle forain, le goût des attractions imprègne chaque plan de Der geheimnisvolle Klub et on ne sera donc pas surpris d’y rencontrer une jeune femme de la meilleure société jouant avec un singe ou exécutant un véritable parcours d’obstacle acrobatique à travers les canaux et les entrepôts abandonnés de Rotterdam (sautant d’une barque, se hissant dans l’embrasure d’une fenêtre, empruntant une échelle de pompiers) pour courir à la rescousse de son fiancé en péril.
Car c’est la mobilité permanente qui caractérise ce film tourné en 1913 aux Pays-Bas pour la Eiko-Film de Berlin et dans lequel les personnages (et la caméra) n’arrêtent pas de se déplacer, à pied ou en utilisant les moyens de locomotion les plus variés : calèche, automobile, canot, bateau à voile, quand ils ne sont pas en train de courir sur les toits, agrippés à une corde ou suspendus à un pont ouvrant.
Quant au spectateur, il est aux anges, ravi de se laisser entraîner dans ce jeu de piste à travers une ville transformée en labyrinthe et surprendre par tous les micro-événements inattendus surgissant dans le cadre, comme ce charriot de marchandises qui traverse l’écran de droite à gauche au tout premier plan tandis que derrière les personnages avancent en sens inverse pour monter dans un taxi.

Der geheimnisvolle Klub (1913)

L’action, dans sa course folle, ne semble être que prétexte à se laisser éblouir par les miroitements de la lumière sur l’eau des canaux, le jeu des portes vitrées qui s’ouvrent et se ferment, les passages incessants de l’ombre à la lumière et vice-versa (escaliers dérobés, traversées de sombres tunnels, pièce qu’une main sur l’interrupteur plonge soudain dans l’obscurité ou éclaire subitement).
Dans la production de l’époque, on ne connait guère que les films de Victorin Jasset (l’étourdissant Protea) qui donnent une telle impression de course contre la montre (celle dont les gros plans récurrents ponctuent ici l’action) et respirent une joie comparable de s’enchanter d’un monde en mouvement perpétuel.