Pêché mortel
Le 29 juin 2016
Tout à la fois enfer éthique, dilemme moral que drame social, Décalogue 2, Tu ne commettras point de parjure se veut un épisode aussi réflexif que mystique. Incontestablement l’un des points d’orgue de la décalogie culte de Kieslowski.
- Réalisateur : Krzysztof Kieślowski
- Acteurs : Krystyna Janda, Aleksander Bardini, Olgierd Łukaszewicz
- Genre : Drame
- Nationalité : Polonais
- Durée : 53mn
- Reprise: 29 juin 2016
- Titre original : Dekalog
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1987
– Reprise salle : 29 juin 2016 (distribution MK2/Diaphana Distribution)
Résumé : Un homme alité à l’hôpital est sur le point de mourir d’un cancer. Le médecin qui le soigne est croyant et réside dans le même immeuble que son épouse Dorota. Mais même sous la pression de cette dernière cherchant à savoir si son mari va mourir, le médecin - très pieux - ne peut avouer quoi que ce soit. Elle est enceinte d’un autre - elle aime son enfant à naître de l’adultère mais son mari également. S’il ne meurt pas, elle choisira l’avortement, et inversement. Le médecin doit donc choisir qu’il le veuille ou non de se positionner par rapport à la vie de l’enfant…
Notre avis : Kieslowski a beau faire appel à un directeur de la photographie différent pour chaque opus de son Décalogue, une continuité supra-sensible s’y diffuse d’un bout à l’autre. À commencer par ce sentiment d’inframonde où les protagonistes semblent condamnés à une errance expiatoire. Plutôt que de contextualiser l’espace filmé, le cinéaste polonais le nimbe d’une atmosphère fantastique. Dans ce second volet d’une série de films créés à l’origine pour la télévision polonaise, sous-titré implicitement Tu ne commettras pas de parjure - bien que Kieslowski se soit défendu d’avoir collé strictement au Décalogue tel qu’établit par la Bible -, une lumière blanche imprécise empêche de saisir précisément les lieux dépeints. Il est certes une fois de plus question d’aborder la vie au sein d’une cité dortoir en se focalisant sur quelques-uns de ses habitants - ici une femme glaciale et irradiante et le médecin de son mari gravement malade. Mais le tout relève davantage d’un au-delà que d’une radiographie réaliste d’un espace social donné, même si le réalisateur cherche à caractériser la Pologne désemparée par la modernité, en sus de l’étude de cas qu’est le ressentiment du médecin croyant. Le drame de cette femme dont le mari risque de perdre la vie, et le quotidien du docteur, montrent aussi en filigrane une fracture sociale latente, tout en révélant comment mensonges et défiances pervertissent toutes les relations humaines. Mais Kieslowski ne prétend pas ici décrypter ou analyser avec minutie un état de fait. Non, sa pensée cinétique s’élabore avant tout autour de sentiments et d’évocations abstraites.
- © TVP
Une silhouette d’homme avec un râteau, un jardin, un immeuble glauque, un animal inexplicablement mort, un vieillard dans une véranda... les modulations scénaristiques demeurent sommaires. D’un côté le médecin, aussi intransigeant et dépendant de sa psychanalyse soit-il, n’existe que pour évoquer sénescence, solitude et piété chronique. Tandis que la femme adultère pleine de remords sert à manifester l’angoisse d’une mort prochaine, qui la conduit d’ailleurs elle aussi à une solitude mortifère. Pour illustrer ces sentiments teintés de mélancolies et de panique, des symboles comme la fumée de cigarettes évanescente, les feuilles vertes de la plante arrachées une à une, les gouttes d’eau dans la chambre d’hôpital ruisselant sur les canalisations et craquelant la peinture des murs, le verre s’écrasant au ralenti ou encore la boîte d’allumettes. Comme si les gestes les plus anodins du quotidien portaient insidieusement en eux la trace d’une perversion quelconque, d’un vice originel que ne viendrait en aucun cas racheter une quelconque forme de dévotion. Cette fluctuation et cette représentation quasi liturgique se perçoivent jusque dans le choix des protagonistes : longtemps la caméra hésite à s’emparer d’un personnage en particulier, s’arrimant à la trajectoire des uns et des autres comme si le devenir d’un seul n’était pas le sujet central. Sans doute faut-il toutefois voir en Dorota, prisonnière car incapable de choisir entre son existence de musicienne infidèle et son devenir de femme veuve - métaphore de la guêpe piégée dans le verre de médicament sucré - comme le point de convergence de Décalogue II.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.