Touchons du bois
Le 16 mai 2006
Un "rompol" de derrière les fagots. Fred Vargas frappe fort, très fort !


- Auteur : Fred Vargas
- Editeur : Viviane Hamy
- Genre : Polar, Roman & fiction

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Un "rompol" de derrière les fagots. Fred Vargas frappe fort, très fort !
Amateurs de "rompols", apprêtez-vous à déguster celui-ci à la petite cuillère. Une fois de plus, la grande Vargas a rangé ses outils d’archéologue pour une campagne de fouille autrement divertissante. Sur l’intrigue de ce nouvel opus, ce sera motus et bouche cousue. Même des bois éternels nous ne vous parlerons pas (pourtant explicites une fois le livre refermé), ni du bouquetin illustrant la couverture qui sert d’appât (de leurre ?) à cette histoire tricotée au petit point. Sachez cependant qu’on y trouve des détrousseurs de cadavres, un grimoire de sorcellerie, quelques cerfs assassinés et l’ombre d’une infirmière tueuse de vieillards échappée de sa prison, la mixture étant touillée dans une sauce normando-béarnaise. Ceci pour vous mettre en appétit. Ce sera tout pour le côté "pol".
Côté "rom", en revanche, nous serons un peu plus diserts. Si rien ne nous étonne plus de la dextérité de bâtisseuse d’intrigues de Fred Vargas et de son imagination sans limites, elle fait montre ici de bien d’autres qualités moins éclatantes par le passé. Sa fibre sociologique, son don de l’observation se sont aiguisés. Ses personnages - le commissaire Adamsberg en tête, qui traverse le livre "en pelletant les nuages", mais aussi tous les membres de sa brigade - prennent de l’épaisseur, leurs contours psychologiques se dessinent avec plus de précision, ils nous sont proches, ils nous touchent avec leurs fêlures, leurs faux-pas, leurs humeurs et leurs manies. Vargas nous baigne dans une atmosphère tendre et nostalgique, la déprime n’est pas loin, les rapports humains pas toujours aisés. Cela adouci, compensé par des traits d’humour foudroyant. Voir par exemple le personnage du lieutenant Veyrenc, Béarnais tout comme Adamsberg, qui a la fâcheuse manie de parler en vers. Vargas émule de Corneille : du grand art. Et fou rire garanti à la clé.
Quant au style, naturel, plein de vivacité, réellement "écrit" et travaillé comme on le voit rarement dans le genre, avec une patte reconnaissable à cent kilomètres, c’est un véritable modèle. Ne reste qu’à espérer que Fred Vargas, l’archéologue spécialiste de la vie quotidienne au Moyen-Âge, continuera à prendre quelques congés sabbatiques pour poursuivre la geste Adamsberg, engagée de belle manière, pour nous livrer très vite quelques nouvelles tranches de vie quotidienne à la brigade criminelle, enrobées dans une de ces histoires à dormir debout, mais à laquelle on croit dur comme fer. Qui rebondit sans cesse et nous offre en prime une petite louche d’émotion. Comment ne pas succomber, franchement ?
Fred Vargas, Dans les bois éternels, éd. Viviane Hamy, 2006, 443 pages, 18 €