Dalton Trumbo - La critique du film

Récit du combat du scénariste Dalton Trumbo contre la chasse aux sorcières, le film de Jay Roach dépeint avec beaucoup de finesse les enjeux idéologiques et politiques d’une période trouble de l’histoire américaine. Un biopic qui sort du lot grâce à ses acteurs et...son scénario.

L’argument : Dans les premières années de la Guerre Froide, la chasse aux sympathisants communistes est lancée aux Etats-Unis par le sénateur Maccarthy. Dalton Trumbo, scénariste émérite, devient la cible de la HCUA (Commission de la chambre sur les activités anti-américaines), et avec lui des dizaines d’autres artistes sont mis au ban de l’industrie cinématographique hollywoodienne.

Notre avis : Jay Roach est plus connu pour ses excellentes comédies (Austin Powers et Mon Beau-père et moi, c’est lui) que pour ses oeuvres politiques. Le réalisateur n’en est pourtant pas à sa première incursion dans le domaine, puisqu’il avait déjà réalisé The Campaign et Game Change, deux films centrés sur les élections américaines. En s’attaquant cette fois au scénariste de Spartacus et réalisateur de Johnny s’en va-t-en guerre, Il embarque avec lui John McNamara, scénariste venu de la télévision qui aime l’Amérique et ses mythes (on lui doit l’excellente série Aquarius).

Groundswell Productions ©

Brillant, le scénario déroule plusieurs années d’une vie sans jamais perdre le cap de son sujet et l’importance de son discours. On aurait évidemment pu faire toute une série sur une telle histoire. Le film en est d’autant plus réussi qu’il condense son récit sur deux heures de pellicule sans qu’on ait l’impression d’avoir été pris pour des idiots. Tout y est ou presque, et s’il manque des éléments, leur absence n’empêchera pas de sortir de la salle un peu plus intelligent que l’on y est entré. Mieux encore, le réalisateur n’oublie jamais de faire de son film ce qu’il fait le mieux : une comédie, une vraie, judicieusement servie par les dialogues, au diapason de chaque personnage. Jamais l’humour ne vient parasiter la gravité du sujet, mais souligner le tragique absurde de la situation. Rire jaune, mais rire quand même.

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Au service d’un héros moderne, Bryan Cranston trouve enfin son grand rôle de cinéma (il n’avait plus rien à prouver à la petite lucarne). Son Dalton Trumbo est un fin orateur, élégant et joueur, combattant frénétique et incorruptible qui se transforme en rumeur pour continuer à faire son métier. Le reste du casting n’est pas en reste, avec une mention spéciale à Michael Stuhlbarg (le Serious Man des frères Coen) en homme entraîné malgré lui par le système.
Le film, très classique, n’offre alors rien de plus qu’une mise en image propre d’un scénario en béton armé autour d’un personnage passionant. Autant dire que DaltonTrumbo est une franche réussite, réussissant sur à peu près tous les plans et assumant jusqu’au bout son statut d’oeuvre à caractère pédagogique. Même l’angle familial est judicieusement traité, transformant un banal conflit père-fille en émouvante transmission d’une certaine rigueur morale face aux injustices du monde. On pourra toujours pester contre l’académisme de la mise en scène : elle permet pourtant d’assurer la lisibilité d’un récit très dense et la parfaite restitution d’une époque. Epoque qui, n’en déplaise aux chasseurs de sorcières et malgré l’acharnement de ces derniers, a donné naissance à de nombreux films mythiques du cinéma américain. Soit une autre qualité du film de Jay Roach : donner envie de voir, ou de revoir, tout Dalton Trumbo.