Le 16 juin 2021
Un portrait du célèbre chanteur des Pogues. Sexe, drogue et rock’n’roll. Un documentaire sans surprise, qui chemine vers son programme : faire de Shane MacGowan une sorte de figure christique, à qui ses proches prodiguent de gentils sermons.
- Réalisateur : Julien Temple
- Acteur : Johnny Depp
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Britannique
- Durée : 2h04min
- Chanteur : Shane MacGowan
- Titre original : Crock of Gold: A Few Rounds with Shane MacGowan
- Date de sortie : 16 juin 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Périple cinématographique dans la vie de Shane MacGowan, le film de Julien Temple « Crock of Gold » détaille l’existence explosive de Shane, de sa jeunesse en Irlande, aux rues mal famées de Londres jusqu’à la scène punk. Nous découvrons les passions de MacGowan, son humour et sa profonde connaissance de la musique, de l’histoire, de la spiritualité et de la culture populaire. Car c’est l’histoire de Shane. Une vision du monde à travers les yeux du grand poète punk lui-même et du cercle intime d’amis proches et de membres de la famille.
- Copyright The Gift Film Ltd
Critique : La voix en bouillie, l’œil vague ou farouche, le rire étrange à mi-chemin entre la friture et le ronflement, l’irascibilité en bandoulière, le mythique chanteur des Pogues se raconte dans un documentaire qui emprunte à la fois à l’univers des légendes celtiques et au film d’animation, parfois psychédélique, le tout entrecoupé de quelques moments parmi les plus connus du groupe de punk folk rock ou d’images d’actualité qui documentent le parcours d’une nation à l’histoire tourmentée. De son enfance à la ferme qu’arrosent quelques réminiscences agrestes (rentrer le maïs, le foin, s’occuper des dindes, puis les tuer, mettre la tête de sa soeur dans une bouse de vache), maritimes (la découverte des os d’un squelette sur la dune) ou religieux ("j’étais tellement défoncé au moment de recevoir l’hostie"), Shane MacGowan explique comment sa profonde piété le destinait à la prêtrise. Mais la conscience très précoce de son propre talent et une consommation anormale de bière à l’âge de cinq ans l’ont conduit à devenir une star de rock. En même temps, sa réflexion théologique, d’une relative pauvreté, ne laissait pas beaucoup d’espoir sur la consistance de sa foi. Le coup de grâce fut porté par la lecture de Karl Marx. Une très sévère addiction à l’alcool (trois bouteilles de whisky par jour) constitue le lourd passif du sexagénaire, qui nourrit à la fois une partie du documentaire et l’hilarité des clients d’un bar, lorsque l’artiste prétend qu’il a presque arrêté.
- Copyright Andrew Caitlin
Le documentaire est plus intéressant quand, à travers le destin du chanteur, il évoque l’histoire de l’Irlande, les ambiances de ses pubs, certes, ainsi que les chants ininterrompus qui ont profondément imprégné l’imaginaire du futur artiste, mais aussi le destin tragique d’une nation lié à l’occupation anglaise, notamment la Grande Famine, la guerre sans merci entre l’IRA et les Black and Tans. La fierté d’être du pays traverse la musique et les paroles des Pogues, prolongeant l’existence mouvementée de MacGowan, l’arrachement à sa terre d’origine pour aller en Angleterre, où se nourrit sa défiance vis-à-vis d’une patrie ennemie. Dans son jeune âge, le petit Shane, discriminé par ses camarades, a trouvé refuge à travers la littérature, dévorant Graham Greene ou James Joyce, avant d’avoir, comme beaucoup de ses novices collègues à la fin des années 70, la révélation en découvrant Johnny Rotten et ses comparses sur scène.
La suite du film ricoche de façon plutôt convenue dans les trois coins du triangle sexe-drogue-rock’n’roll, des Nipples Erectors à la fin des Pogues, le destin de MacGowan n’étant que le quantième avatar d’une épopée à la fois destructrice et joyeuse, dont le vibrionnant musicien aurait pu être une nouvelle et définitive victime. Mais voir l’artiste au présent, si diminué, singeant parfois la provocation au ralenti, rend ce portrait plutôt triste. Les yeux rivés sur ses intentions, le film transforme la star en une sorte de figure christique que ses proches finissent par sermonner pour ses excès passés, comme si tout devait converger vers ces remontrances. Clou du spectacle et du cercueil symbolique : le chanteur en fauteuil a le droit à son concert-hommage, avec Bono en guest-star. Le cauchemar de tout punk.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.