Folle embardée dans l’Espagne franquiste finissante. Sanglant.

La recette est connue, mais, bien maîtrisée, elle garde toute sa saveur. Prenez un contexte historique très sombre, lâchez-y quelques salauds plus vrais que nature, grattez l’un d’entre eux pour en enlever la couche déposée par le régime qui l’emploie, tirez-en un zeste de doute et d’humanité, mettez le tout sur le feu, augmentez la flamme, maintenez-la à coup de suspense et de retournements, puis terminez à feu vif jusqu’à ce qu’il ne reste rien, rien sauf la brûlure d’une dictature. Celle de Franco par exemple, à laquelle Lluis-Anton Baulenas règle son compte avec efficacité, prenant pour appuyer son roman les manœuvres engagées par le Généralissime pour désigner son successeur.
Dans le rôle du salopard abandonné par les siens, il imagine un homme de main besogneux comme il faut, spécialisé dans les empoisonnements, qui, chargé d’enquêter sur un industriel susceptible de devenir roi, se retrouve en train de le protéger. Tout cela en emmenant dans sa folle équipée deux éclopés improbables, dont une jeune attardée que n’illumine que le nom de Dona Carmen, la femme de Franco. Le style est vif, l’attaque féroce et le finale sanglant. L’indigestion guette parfois à l’évocation de certains détails, mais la table de Baulenas est des plus recommandables.