Le 29 mars 2017


Polar et train-hopping dans un album bien noir.
Les vagabonds qui vont de ville en ville en prenant des trains de fret font partie du paysage et du folklore américain, mais restent généralement dans le décor de fond, l’arrière plan un peu miteux et sombre. Les Solitaires fait la part belle à un type d’homme, les taciturnes, les délaissés, ceux en quête de rédemption, des policiers un peu ripoux aux criminels membres des gangs de motards, les pères de famille plein de doutes ou les clochards sanguinaires. Cette atmosphère, Tim Lane la ressent pleinement et la retranscrit à fond, en passant par des pages surprenantes ou effrayantes. Cet album transpire plus qu’il ne respire, provoque plus qu’il n’évoque, est plus tranchant que prenant. Il est enveloppé d’une fumée propre aux cigarettes bon marché que les protagonistes s’envoient à chaque planche. Certaines histoires sont poignantes, au sens propre du terme, quand d’autres sont touchantes, surtout qu’elles sont entremêlées. C’est près de quarante histoires qui se dévoilent, tantôt reliées, d’autres fois très indépendantes, aux sonorités punk-rock énergisantes ou de jazz mélancolique. Les bars louches et les wagons sales sont clairement les endroits favoris de l’auteur, qui n’hésite pas à alterner les narrations pour les saisir, avec justesse ou originalité.
© Delcourt
Niveau graphique, le constat est frappant : on aime ou on déteste les contrastes de noir et blanc, les hachures et les pigments, ces pages qui creusent des lignes et des écarts, qui frappent comme des coups de poing. Ce graphisme est sec, calibré pour un public averti et amateur, ce qui en fait une œuvre unique et assez envoûtante. Pour ceux que le style noir effraie, c’est un risque à prendre, mais un album intégral qui a sa place dans une bibliothèque d’amateur, que ce soit de polar ou de BD américaine.
© Delcourt
Album costaud, aussi bien dans son style que dans son contenu, Les Solitaires est plutôt froid, sans passion mais pas sans âme. Elle est certes plongée dans le côté obscur, à la fois graphique et scénaristique, mais on peut y voir une vraie lumière sur un aspect moins connu de la bande dessinée.
296 pages - 29,95€