Vache enragée
Le 22 novembre 2005
Une correspondance brute, hargneuse et authentique. Les mots de Bukowski reflètent parfaitement son acharnement et son parcours d’écrivain.
- Auteur : Charles Bukowski
- Editeur : Grasset
- Genre : Correspondances
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La correspondance de Charles Bukowski ressemble à ses romans. Il y parle de femmes, de sa machine à écrire et de cuites carabinées. Mais il évoque principalement son métier d’écrivain, parfois de manière gênée, parfois en revendiquant son statut d’exception.
Il était temps ! Aux Etats-Unis, la correspondance de Charles Bukowski est sortie depuis plusieurs années, certaines de ses lettres ayant même été publiées de son vivant. Grasset se décide enfin à la traduire, en la réduisant à un seul (épais) volume [1]. On pourra toujours mégoter sur le bien-fondé d’une pareille sélection, comprenant principalement ses éditeurs. L’initiative mérite pourtant d’être saluée.
Bukowski n’a jamais été rongé par la pudeur. Ses poèmes et ses romans relèvent presque tous de l’autobiographie clinique. Il était l’un des rares écrivains à mettre sa peau sur la table et bien évidemment, on retrouve ce ton brut dans sa correspondance. Le plus intéressant reste sans doute d’y cerner toute l’évolution du bonhomme, d’abord postier (Bukowski viendra à l’écriture sur le tard, vers l’âge de 35 ans), empêché par ce boulot alimentaire de se consacrer tout entier à la poésie, ensuite écrivain à temps plein pour finir par être sollicité par les télés et une foule d’éditeurs. Fidèle aux premiers qui lui ont fait confiance (Carl Weissner, son éditeur allemand et surtout John Martin, le fondateur de Black Sparrow Press), on sent une ténacité hargneuse chez Bukowski, longtemps habitué à bouffer de la vache enragée et à prendre des coups. Lui et quelques autres connaissent sa valeur, c’est bien tout ce qui compte.
Ses lettres parlent de bière, de vin allemand, de royalties, de chevaux, de femmes, de miséreux, de voitures, d’oiseaux, de problèmes digestifs, de cuites, de bars, de flics et d’excès de vitesse. Mais elles parlent surtout de littérature et de sa manière d’appréhender son rapport au texte, comme une force sacrée contre laquelle il est vain de lutter. Elles parlent d’un homme solitaire, replié sur lui-même, qui souffre et qui regarde l’humanité comme une gigantesque plaisanterie. Elles en disent long sur un type qui a toujours trempé sa plume dans un mélange opaque de sang et de merde, et qui a transformé sa vie en l’une des œuvres les plus marquantes de la fin du vingtième siècle. Bukowski se voyait bien mourir en l’an 2000 [2]. On se consolera en pensant qu’on continue à le lire en 2005 et que ce n’est certainement pas fini.
Charles Bukowski, Correspondance 1958-1994 (traduit de l’anglais par Marc Hortemel), Grasset, 2005, 429 pages, 20,90 €
[1] Le contenu de cet ouvrage est une sélection de lettres choisies parmi les trois volumes de la correspondance de Bukowski sortie aux Etats-Unis : Hurlements du balcon (1958-1970), Vivre en comptant sur la chance (1960-1970) et Pour atteindre le soleil (1978-1994)
[2] Bukowski est mort en mars 1994
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