Le 20 mai 2015

- Festival : Festival de Cannes 2015
Paolo Sorrentino, Jia Zhang-Ke, Gaspar Noé... ils étaient nombreux en cette huitième journée de Cannes 2015 à vouloir se faire une place sur la Croisette. Tandis que John Lassetter s’est quant à lui rendu en catimini au cinéma Olympia pour y présenter... le line-up Disney-Pixar.
Paolo Sorrentino, Jia Zhang-Ke, Gaspar Noé... ils étaient nombreux en cette huitième journée de Cannes 2015 à vouloir se faire une place sur la Croisette. Tandis que John Lassetter s’est quant à lui rendu en catimini au cinéma Olympia pour y présenter le line-up Disney-Pixar...
Ronflements, râles de plainte, séances quittées au bout de quelques minutes à peine, smartphones allumés compulsivement pour faire part au monde de son ennui... De nombreux spectateurs du Festival de Cannes semblent déjà las de la compétition officielle, gavés d’images ne faisant a priori plus sens pour eux. Si une telle assertion pouvait encore tenir la route hier pendant la projection de Marguerite et Julien, film largement (et injustement) décrié par la critique, le phénomène s’est aujourd’hui inversé avec Youth. Est-ce parce que l’italien Paolo Sorrentino critique le monde avec une ironie jouissive en laquelle les festivaliers, féroces spectateurs, se retrouvent, que leur attention en ressort à ce point ravivée ? Il est en tout cas assez amusant de le penser.
Contrairement à ce que nombre de critiques semblent penser, Youth ne nous a pas semblé si manifeste dans sa réussite. Pourquoi ? Sans doute parce que Paolo Sorrentino est ici encore trop occupé à admirer son travail. S’il apparaît difficile de nier qu’il s’agit là d’un bel ouvrage, ce côté mirifique a toutefois tendance à tourner sur lui-même, qui plus est à vide. Dommage car le cinéaste possède un talent certain. Reste que pour sa cinquième sélection en compétition officielle, ce dernier pourrait bien s’en sortir avec les honneurs, quand viendra la remise des prix. A noter que Mountains may depart, dont la critique ne saurait tarder, est d’ores et déjà évoqué comme un mélodrame ambitieux par certains festivaliers.
La critique de Youth est à lire ici.
A l’heure où Gaspar Noé doit présenter son nouveau film polémique, Love, en marge de la compétition officielle, quelques passages de sa note d’intention ont été publiés dans le dossier de presse du film. Le cinéaste y souligne notamment "le clivage ridicule qui fait qu’un film normal ne doit pas montrer des séquences trop érotiques alors que tout le monde adore faire l’amour". Et d’ajouter qu’il voulait filmer "ce que le cinéma peut rarement se permettre, pour des raisons commerciales ou légales, c’est-à-dire filmer la dimension organique de l’état amoureux. Pourtant, dans la plupart des cas, c’est là que réside l’essence même de l’attraction à l’intérieur d’un couple. Le parti-pris était donc de montrer une passion intense sous un jour naturel, donc animal, jouissif et lacrymal. Contrairement à mes projets précédents, pour une fois, il n’est question que de violence sentimentale et d’extase amoureuse". Rappelons que Love est annoncé comme un "mélodrame sexuel" et qu’il est attendu en salles le 15 juillet 2015.
Line-up Disney-Pixar
Ce matin, au cinéma Olympia dans le vieux Cannes, nous avons assisté à une conférence de presse dédiée au line-up Disney-Pixar. Un rendez-vous présenté par John Lasseter, directeur artistique des studios Pixar et Disney, en personne. A noter que ce dernier est accessoirement le papa de Toy Story. L’occasion d’apprendre côté anecdote que le maestro a dernièrement lancé un millésime rosé à son nom, baptisé "Enjoué". Amusant. Plus sérieusement, deux Pixar sont donc prochainement attendus - outre le Vice Versa sélectionné hors compétition à Cannes et le déjà annoncé Toy Story 4 prévu pour l’été 2017. Sans compter quatre autres projets sur lesquels Lasseter ne s’est pas arrêté. De même, deux films d’animation en images de synthèses Disney ont été présentés.
© The Walt Disney Company France
Le premier se nomme The Good Dinosaur (Le Voyage d’Arlo) : son récit prend racine dans un monde où l’extinction des dinosaures n’a jamais eu lieu - les gros astéroïdes censés provoquer leur fin n’ayant jamais frappé la Terre. Résultat : l’on se retrouve avec Arlo, dinosaure à la bouille ronde qui va s’égarer et perdre sa famille. Bientôt, celui-ci fait la rencontre de Spot, un jeune garçon aux faux airs de Mowgli dont le comportement tient plus du chien que de l’homme. Hurlements à la Lune, râles en tous genres... les animations sont prometteuses et l’univers touchant. Toutefois, les choix artistiques s’agissant de l’apparence des dinosaures sont discutables. Première projection mondiale prévue le 14 novembre 2015 au Grand Rex.
Le second s’intitule Le Voyage de Dory, sorte de spin-off/suite du Monde de Nemo, initialement sorti en 2003. Comme le titre le laisse présager, l’histoire met en scène le personnage de Dory, poisson exotique amusant dont la mémoire immédiate n’excède pas quelques secondes. Dans Le Monde de Nemo, celle-ci indique ne pas savoir où se trouve sa famille. C’est pourquoi l’intrigue, qui se déroule 6 mois après le premier film, se base sur cette quête. Bientôt, le périple aboutit à un centre océanographique. Les premières séquences présentées semblent prometteuses, avec des personnages tels que Hank le poulpe, Destiny le requin baleine ou encore des pies de mer aussi amusantes que les mouettes du premier volet. Affaire à suivre.
© The Walt Disney Pictures
Côté Disney, étonnamment, les choses sont tout aussi alléchantes. Le premier film évoqué se nomme Zootopia (Zootropolis), un monde où les animaux sont anthropomorphes, s’habillent et se comportent comme des hommes. Bref, un espace créé par et pour les animaux. En soi, de nombreux détails rappellent le Robin des bois de Disney. Les premières séquences dévoilées, très colorées, sont saisissantes de réalisme. Tout est déjà pensé dans les moindres détails et chaque animal dispose par exemple d’une voiture sur-mesure. La topographie de la ville est intéressante : à l’instar d’un Chinatown dans une grande ville américaine, Zootopia comporte un quartier baptisé Toundraville, c’est là-bas qu’une tempête de blizzard s’abat chaque jour pour adapter le climat aux animaux vivant aux alentours. Tandis qu’un autre s’apparente davantage à un mélange de Monte Carlo et Dubaï. Le personnage principal, Judy Hops, est une gendarme-lapin. Mais comme Zootopia sous entend "utopie", elle va faire l’expérience des inégalités du monde du travail. Parce qu’elle est un lapin et non un rhinocéros, par exemple, elle va être contrainte de s’occuper des contraventions. C’est là qu’elle fera la rencontre d’un renard malicieux important pour la suite de l’histoire. A noter qu’une séquence dévoilée se déroulait dans une préfecture et montrait notamment l’incohérence de l’administration par l’absurde : gérées par des paresseux, toutes les démarches prennent des heures. Une scène à mourir de rire très engageante pour la suite. Sortie prévue en février 2016.
© The Walt Disney Pictures
Le second Disney abordé était Moana (La Princesse du Bout du Monde). Avec ses airs de Pocahontas et de Mulan, ce film s’est également avéré séduisant. L’équipe du studio a procédé à d’amples recherches au cours de voyages dans le Pacifique sud pour mener à bien le projet. Le film d’animation met en scène Moana, une jeune fille aventureuse dont le père affirme que les océans sont dangereux et interdits, et dont la grand-mère - bientot défunte - vante à l’inverse les merveilles. Outre les magnifiques artworks et work in progress dévoilés, l’on notera surtout une époustouflante séquence où l’océan apparaît comme un personnage à part entière. Un élément donné à voir un peu à la manière des fluides extra-terrestres dans Abyss, de James Cameron. Le rendu est spectaculaire et augure du très lourd, en dépit la morale évidemment immuable de Disney. Sortie prévue pour le moment pour Noël 2016.
Concept art signé Roger Kondo - copyright Disney/Pixar
Façon Steve Jobs, John Lasseter s’est laissé aller en guise de conclusion à un "one more thing". Il s’agissait en l’occurrence de la projection de Sanjay’s Super Team, le tout dernier court-métrage Pixar, présenté pour la première fois avant sa projection au festival international d’animation d’Annecy. Réalisé par un américain ayant grandi tiraillé entre traditions indiennes conservatrices et cultures télévisées à l’américaine, le court-métrage se propose de traduire ce bouleversement. Savant mélange entre imagerie religieuse indienne et super-héros comme on en trouve habituellement chez Pixar, le résultat est bel et bien au rendez-vous, et révèle une fois de plus la subtilité et la sensibilité du studio. Pour l’anecdote, Sanjay’s Super Team est le premier projet de Pixar où le personnage principal n’est pas blanc.
© Paul Arnaud / Why Not Productions>
Jeudi, neuvième journée de Cannes 2015, seront entre autres présentés le dernier Jacques Audiard, Dheepan, et le poids lourd The Assassin, de Hou Hsiao Hsien. Un duo largement attendu par les festivaliers.
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(C) Walt Disney Pictures France