Le 22 mai 2004
- Festival : Festival de Cannes 2004
Un palmarès flamboyant et rock’n’roll dominé par la Palme d’or décernée à Fahrenheit 9/11, le pamphlet hardcore de Michael Moore. Grand prix à Old boy, on est aux anges. Quentin et son équipe, encore bravo.
Un palmarès flamboyant et rock’n’roll dominé par la Palme d’or décernée à Fahrenheit 9/11, le pamphlet hardcore de Michael Moore.
Avec Quentin Tarantino comme président du jury du dernier festival de Cannes, tout le monde savait que le palmarès ne serait pas triste. Confirmation hier soir avec la Palme d’or décernée au Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, brillant personnage qui pendant toute la durée du festival, s’est montré d’une formidable disponibilité envers le public, musardant à l’aise en short dans les rues cannoises, évitant de jouer les stars. On l’a croisé à maintes reprises, ce type est définitivement bien. Qu’on le veuille ou non, ce prix si spécial doit avant tout être vu comme un objet politique : Fahrenheit 9/11 est un appel à la conscience salutaire avant les prochaines échéances électorales américaines. Dans son opus, Moore montre, démontre et démonte férocement le clan Bush et pointe du doigt la manipulation des masses. Certains trouveront ce prix démagogique ; en réalité, c’est un formidable tremplin pour Moore, en même temps qu’une juste récompense de ce qui fut l’une des projections les plus fortes du festival (une longue standing ovation plus des applaudissements répétés toutes les dix minutes).
Joie encore et toujours avec le grand prix décerné au sensationnel (et pourtant si décrié) Old boy, thriller très fort, inspiré d’un manga ultra violent, qui n’hésite à appuyer là où ça fait très mal (dans tous les sens du mot). Accessoirement, l’excellente tenue de ce film amoral et sanglant confirme tout le bien qu’on pense de ce cinéaste coréen (sous-estimé, singulièrement) dont on avait pu découvrir déjà le très sombre Sympathy for Mr vengeance, histoire de vengeance terrible mâtinée d’absurdité et de violence froide. Le prix d’interprétation féminine attribué à Maggie Cheung ne se discute pas (elle le mérite pour toute sa carrière, de Augustin roi du kung-fu en passant par Irma Vep et surtout In the mood for love) ; le prix du scénario pour le duo Bacri-Jaoui (Comme une image) appuie une fois de plus la subtilité d’écriture des deux renfrognés du système (souvenez-vous de la finesse et de la justesse des situations du Goût des autres) ; et le prix de la mise en scène allant à Exils de Tony Gatlif est une bonne surprise, une récompense inattendue pour ce cinéaste authentique et mésestimé qui sonne comme une revanche des marginaux sur l’académisme bien pensant.
L’oubli au palmarès du somptueux Innocence peut être interprété différemment : soit parce que Tarantino est trop proche de Oshii, soit parce que la moitié du jury s’est endormie devant ce film d’animation à la complexité extrême. De toutes les façons, Innocence suscite des sentiments divers chez les spectateurs en fonction de leur approche de la japanimation et par extension du cinéma d’animation. En revanche, le jury semble avoir - à raison - sanctionné le 2046 du formaliste Wong Kar-wai, cinéaste certes exceptionnel (on ne va pas cracher sur sa production - Happy together et Les cendres du temps étant peut-être ses deux plus beaux films) mais tellement perfectionniste qu’il a retardé les projections de son "chef-d’œuvre". Cette démarche n’est pas sérieuse ni déontologique. Même involontairement, elle témoigne d’un manque de respect. L’omission de 2046 est une réponse à la morgue de Wong Kar-wai et de son équipe. A force de trop se faire désirer, on finit par agacer.
Oublions cette déception - relative face à cette très bonne cuvée - et apprécions les choix audacieux du jury : peu consensuels, plus enclins à la découverte, à la nouveauté, à l’innovation. Au cinéma dans sa plus belle originalité. Comme disait Fellini : "Viva il cinema !".
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