Ange tutélaire
Le 1er août 2010
Une exquise comédie familiale qui jette un regard attentif et juste sur la société italienne des années 50. Une des oeuvres les plus personnelles de Luciano Emmer, cinéaste singulier et indispensable.
- Réalisateur : Luciano Emmer
- Acteurs : Gabriele Ferzetti, Franco Fabrizi, Gina Busin, Luciana Angiolillo, Irène Tunc
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Italien
- Plus d'informations : http://www.film.tv.it/scheda.php/fi...
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– Durée : 1h27mn
Une exquise comédie familiale qui jette un regard attentif et juste sur la société italienne des années 50. Une des oeuvres les plus personnelles de Luciano Emmer, cinéaste singulier et indispensable.
L’argument : Camilla, une veuve d’âge mûr, arrive à Rome de sa Vénétie natale pour prendre du service auprès de la famille du jeune médecin Mario Rossetti. Celui-ci travaille comme interne pour la Sécurité Sociale (la Mutua) et prépare les examens de spécialisation. Avec sa femme Giovanna et ses deux jeunes enfants, il peine à joindre les deux bouts et accepte d’entrer en société avec son ami Gianni, un représentant de commerce peu scrupuleux toujours embarqué dans des affaires un peu louches. Paola, ancienne flamme de Mario retrouvée par hasard, participe également à l’opération.
La nouvelle situation génère une crise aigüe dans la famille Rossetti. La présence rassurante de Camilla, véritable ange tutélaire du foyer, agira comme élément fédérateur et apaisant et permettra un retour à la normale après bien des vicissitudes et des imbroglios.
Notre avis : Luciano Emmer, disparu il y a quelques mois à l’âge de 91 ans, occupe une place singulière dans le paysage du cinéma italien. En près de 70 ans (de 1940 à 2009) il a réalisé un nombre impressionnant de documentaires, émissions télévisées, caroselli (publicités), ainsi que 11 longs métrages de fictions. Camilla, le cinquième de ceux-ci, fait suite à un ensemble très cohérent de délicieuses comédies écrites entre 1949 et 1954 avec le scénariste Sergio Amidei et consacrées à la description attentive, à la fois distante et chaleureuse, de groupes humains : prolétaires romains en sortie dominicale à Ostie dans Domenica d’agosto, supporters accompagnant une équipe de foot à Paris dans Parigi è sempre Parigi, employées d’une maison de couture près de la Place d’Espagne Le ragaze di Piazza di Spagna, lycéens dans Terza liceo.
Dans Camilla, écrit sans Amidei mais avec Ennio Flaiano et Rodolfo Sonego, Emmer renonce partiellement à l’aspect choral des films précédents pour recentrer l’action sur les vicissitudes d’une jeune famille qui n’est sans doute pas très éloignée de la sienne, d’autant que les interprètes des deux gamins ne sont autres que Michele et Elisabetta Emmer, ses propres enfants (qu’il dirige avec un tact imparable).
Mais la narration n’est pas linéaire pour autant, le film étant fait d’une suite d’épisodes graves ou comiques fédérés par le regard de la domestique Camilla. Celle ci n’est pas un simple témoin : sa solide assise campagnarde est sérieusement mise à l’épreuve par l’agitation qui s’empare du couple Rosetti (les excellents Gabriele Ferzetti et Luciana Angiolillo), saisi par la fièvre illusoire du bien-être économique. La robuste Gina Busin confère au personnage l’autorité nécessaire pour donner au film son ossature. Elle est parfaite : sa discrétion bourrue et sa sociabilité sans chichis évitant soigneusement l’effusion sentimentale et les admonestations sentencieuses qu’on pourrait craindre à la lecture du synopsis.
Autour de l’action principale, finement menée mais assez prévisible, s’anime un microcosme bien ancré dans l’Italie du miracle économique naissant. Les personnages secondaires sont joliment campés, certains appartenant au répertoire familier de la comédie de l’époque, de l’ami affairiste (bidoniste) allant d’enthousiasmes en déconvenues (Franco Fabrizzi) et de sa compagne un peu sotte (Irène Tunc), à la jeune servante maladroite qui arrose le linge des voisins en même temps que les fleurs du balcon et au Commendatore milanais entretenant une maîtresse dans l’immeuble et qui est victime d’une attaque d’apoplexie, sans oublier la troupe pittoresque des ouvriers travaillant sur les chantiers de constructions avoisinants. D’autres, émouvants, sont juste ébauchés, tels Paola, l’amour de jeunesse (Floria Mariel), ou le fils de Camilla, militaire en permission qui rend visite à sa mère. Emmer préférait de toute évidence l’esquisse à la caricature.
Cette oeuvre modeste aux allures de conte moderne (la tarte régulièrement promise par Camilla aux enfants qui atterrit sur le carrelage de la cuisine et finira quand même par être mangée après moult atermoiements) est fermement encadrée par de superbes plans d’ouverture (descendant) et de fermeture (ascendant) sur le quartier tout neuf où se déroule l’action. Elle témoigne de la précision et de l’acuité de regard d’un authentique cinéaste qui sait desserrer l’étau asphyxiant de la fiction pour s’adonner à la pure contemplation documentaire, en particulier lors de la série de plans consacrés aux activités domestiques de la famille réunie à nouveau après les aléas qui ont failli la détruire.
Si l’admirable La ragazza in vetrina a bénéficié d’une édition en DVD française, Camilla et les autres exquises comédies de Luciano Emmer attendent encore d’être (re-)découvertes chez nous. Pour le moment il faudra se rabattre sur les éditions italiennes, et ne pas manquer non plus le remarquable coffret de la Cineteca de Bologne consacré aux films sur l’Art et intitulé Parole dipinte.
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