Le 23 octobre 2015
Un film choral à la fois moderne et désuet, mais tout en tendresse.
- Réalisateur : Luciano Emmer
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Franco Interlenghi, Anna Baldini, Vera Carmi, Emillio Cigoli
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 1h15mn
- Titre original : Domenica d'agosto
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– Sortie DVD : le 21 octobre 2015
– Année de production : 1950
Un film choral à la fois moderne et désuet, mais tout en tendresse.
L’argument : Un dimanche ordinaire à Rome, un jour de mois d’août.
Notre avis : Grand maître reconnu du documentaire, Luciano Emmer choisit pour sa première fiction un genre alors peu couru, le film choral ; le prétexte en est un dimanche d’août, le 7 d’après un carton, qui voit se croiser différents personnages de Rome à la plage d’Ostie. La narration respecte l’ordre chronologique : on les suit du départ matinal au retour en soirée. À partir de cette idée simple, limpide, les scénaristes bâtissent quelques intrigues assez lâches, qui donnent le temps au film de s’attarder en un projet quasi sociologique sur la société de 1950, dans sa diversité et son « italianité ». Car ce qui frappe aujourd’hui le plus, c’est ce regard sur un monde disparu, qui vit de codes qui nous sont étrangers : dès la ruée initiale, en vélo, train ou voiture, on se trouve transporté dans une vie colorée et bruyante où l’on ne serait pas surpris de rencontrer M. Hulot. Le talent d’observation d’Emmer, qui vient sans doute du documentaire, fait merveille pour brosser en quelques plans des portraits saisissants, que les personnages jouent un rôle essentiel ou qu’ils ne fassent que peu d’apparitions. C’est d’ailleurs l’un des plaisirs du spectateur que d’identifier ou de reconnaître l’un d’entre eux. Ainsi du couple de musiciens des rues, aperçus dans un plan fugace, dont on retrouve la femme endormie à un autre moment.
Mais surtout, le réalisateur s’attache à quelques figures qui vont vivre ce dimanche là une expérience singulière : la découverte amoureuse de deux adolescents, la déception du grand monde pour une femme qui essaie d’échapper à la misère, ou, de l’autre côté de la barrière aussi réelle (les plans de grillage récurrents) que symbolique, le choix d’un « docteur » entre sa compagne et sa fille. Tandis que, resté à Rome, un couple dont l’homme est incarné par le tout jeune Mastroianni, voit s’accumuler les difficultés, et qu’une victime de la pauvreté s’embourbe dans un casse qui tourne mal. Autant de petites histoires, qui ne trouvent pas forcément leur résolution à la fin de la journée, mais qui multiplient les tonalités et même les genres : on verra des emprunts au film noir, au néoréalisme, au film sentimental ou comique. C’est le grand talent d’ Emmer de garder une cohérence et de ne jamais perdre le spectateur malgré la profusion de personnages et d’intrigues. Cette unité vient sans doute d’abord du regard tendre qu’il porte au moindre figurant : les jeunes dragueurs, la « mamma » ou la femme qui vient voir sa fille sont traités avec le même respect que les protagonistes. Les seules flèches que les scénaristes décochent visent la société huppée, bavarde, intéressée et stérile. On retrouve en mineur une vision sommaire de la lutte des classes qui condamne les riches sans appel ; une phrase dite par l’une d’entre eux, remarquable dans sa concision, pourrait servir d’anti-programme au film : « Quel ennui, ces histoires d’amour ! Seuls les protagonistes changent. »
Le ton est majoritairement à la chronique tendre, faite d’infinis détails plus que de grands drames ; la justesse d’observation mais aussi les préoccupations sociales (voir les problèmes d’argent, souvent évoqués) rendent ce film très attachant, et sa fin majoritairement ouverte a quelque chose de frustrant : on aurait volontiers continué à fréquenter ces personnages profondément humains, nos semblables, saisis en des instants qui sont comme prélevés sur du réel. Nous restent à découvrir les autres fictions d’Emmer qui, d’après Jean A. Gili, reprennent le même procédé.
Les suppléments :
Belle intervention de Jean A . Gili, qui analyse le film dans son contexte et sa descendance, entre autres, et multiplie les anecdotes. Celle sur le doublage des films italiens est très surprenante.
L’image :
Propre en général, avec plus ou moins de grain selon les passages et de très rares moments voilés.
Le son :
Clair et sans parasites, avec un léger manque de relief, mais au vu de l’âge du film, la piste Dolby Digital 2.0 mono est satisfaisante. La VF, comme souvent, est éprouvante.
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