Busta Flex : très belle réédition pour un classique du rap français

Même s’il n’a pas connu la même carrière que ses mentors du Suprême NTM, Busta Flex aura ajouté avec son premier projet une pierre primordiale à l’édifice du hip-hop français, un témoin précieux de cette fibre old school des temps anciens (les années 90, ça en vieillit plus d’un). Aujourd’hui, redécouvrir par cette réédition généreuse de l’album éponyme le kickage à l’américaine du rappeur du 95 rend instantanément l’auditeur nostalgique, même lorsqu’il n’a pas vraiment connu la période à laquelle est sortie ce désormais classique. C’est que cette période bénie et aujourd’hui sacralisée par de nombreux aficionados de la musique renferme assez de gimmicks et de spécificités pour posséder sa propre vibe inimitable (pour preuve, le rap "old school" actuel ne ressemble en rien à celui des années 90). Et s’il y’en a bien un qui peut représenter à merveille l’identité de ce hip-hop d’autrefois, c’est bien Busta Flex. Issu de cette branche inspirée par la East Coast, l’un des patrons du freestyle à l’aube des années 2000 s’est assuré de bien amorcer sa carrière en s’entourant de Kool Shen pour la production de son premier album. Le style à la parisienne, notre "East Coast" à nous, à laquelle NTM a beaucoup contribué, se retrouve donc logiquement ici dans ce qu’elle a de meilleure et plus efficace.

Copyright : Joanà Calas

Parce que l’efficacité représente une grosse partie de l’ADN du rap de Busta Flex, et ses talents de freestyler se ressentent bien à travers ce premier projet dédié à la rime et à sa mise en forme. Le MC accouche d’un album à l’énergie communicative notamment parce qu’il s’entoure d’autres grands rappeurs des années 90, avec qui il partage une identité similaire et un plaisir de balancer de la rime entre potes. Kool Shen bien sûr, qui met sa patte dès le premier morceau rappé, J’fais mon Job à Plein Temps, introduction parfaite au flow et à l’écriture de Busta, mais aussi JoeyStarr, Zoxea et Oxmo Puccino viennent poser avec une cohésion parfaite. Le collectif IV my People est donc réuni, au cours de la Freestyle Session d’un album dont tous les titres ou presque auraient pu finalement s’appeler de la sorte. Non pas parce qu’ils se construisent sur un lâché de rimes un peu désarticulées, mais bien parce qu’ils dégagent cette impression que le rappeur tient à montrer sa valeur technique à l’époque où percer dans le hip hop se réservaient qu’à une poignée de gars du quartier. Busta Flex pose de multiples manières tout en ne sortant jamais d’une influence East Coast, à cela près que l’univers brille ici par sa légèreté bienvenue. Le rappeur du 95 amuse la galerie par un ton extrêmement ludique grâce à un égotrip plein de confiance mais jamais agressif pour autant. Beaucoup de bonne humeur se dégage ainsi du projet, et parce que Kool Shen l’y a poussé, Busta Flex s’attache également à un esprit revendicateur, ou en tout cas à une figure agissant comme un porte-parole de la vie au quartier. De cette volonté s’extrait certains de ses plus gros classiques, Majeur et Pourquoi en tête, les titres les plus explicitement inscrits dans cette dimension très influencée par NTM.

Copyright : Draft Dodgers

Et des classiques, cette réédition en propose une pelletée par un second CD accompagnant la remasterisation du premier album de Busta. Véritable témoin du temps en proposant une série de morceaux issus de la fin des années 90 jusqu’à 2018, cette deuxième galette est un condensé bien kiffant de la carrière du rappeur. Peu d’inédits malheureusement, mais en revanche le contenu généreux de 16 titres constitue un complément en forme de best-of haut de gamme enchaînant les gros sons entraînants. Le plaisir de retrouver Chela, Sexe, Violence, Rap et Flooze et Hardcore sur le Beat est indéniable, tandis que certaines (re)découvertes valent également le coup d’œil, comme C’est Nous les Reustas, apparu sur l’album Dans la Lumière de Zoxea. Surtout, comme pour le premier album finalement, on se délecte de la capacité de Busta Flex à partager ses rimes entre son égotrip et des réflexions plus sérieuses, sans verser dans le grave sans demi-mesure. Le kickeur mise sur un rap à cheval entre plusieurs niveaux d’écriture sans sacrifier la dimension divertissante si chère au MC, en témoigne ses morceaux les plus dansants, J’ai Plus d’Air, Friandise ou Qu’est c’tu fous cette Nuit ? (même si on ne va pas se mentir ce n’est pas le meilleur titre). Busta Flex est une figure trop souvent minorée dans l’importance qu’elle a pu avoir dans le rap français. Cette réédition est l’occasion de rappeler sa place dans le milieu.

Copyright : Joanà Calas