Jarmusch’s touch
Le 27 octobre 2019
Peut-être un Jarmusch relativement mineur dans une filmographie habituée à un standard très élevé. Mais plus on y repense, plus il prend de la valeur.
- Réalisateur : Jim Jarmusch
- Acteurs : Sharon Stone, Bill Murray, Jessica Lange, Julie Delpy, Frances Conroy, Jeffrey Wright, Tilda Swinton
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : BAC Vidéo
- Durée : 1h45min
- Date télé : 28 mai 2023 22:40
- Chaîne : France 4
- Date de sortie : 7 septembre 2005
- Festival : Festival de Cannes 2005, Sélection officielle Cannes 2005
Résumé : Célibataire endurci, Don Johnston vient d’être quitté par Sherry, sa dernière conquête. Alors qu’il se résigne une nouvelle fois à vivre seul, il reçoit une lettre anonyme dans laquelle une des anciennes petites amies lui apprend qu’il est le père d’un enfant de dix-neuf ans, et que celui-ci est peut-être parti à sa recherche. Sous les conseils de son meilleur ami Winston, détective amateur, il décide de mener l’enquête afin d’éclaircir ce mystère. Malgré son tempérament casanier, le sédentaire Don se lance alors dans un long périple, au cours duquel il retrouve quatre de ses anciennes amours. A travers ces visites surprises, Don se retrouve confronté à son passé, et, du même coup, à son présent.
Critique : Une fois sorti de la salle, on est en droit de rester perplexe face au nouvel opus de Jim Jarmusch, sans doute parce qu’on a l’impression de voir plusieurs films en un ou une addition de courts-métrages comme l’était son précédent Coffee and cigarettes. Seulement, plus on y repense, plus le film prend de la valeur. En plein charivari existentiel, Don Juan part à la recherche de son môme de dix-neuf ans, se retrouve dans sa quête paternelle face aux femmes qu’il a jadis aimées et constate, mine parfois déconfite, ce qu’elles sont devenues. Certaines se sont rangées dans les normes ; d’autres, non. Les femmes sont au cœur de ce récit sensible ; et ces fleurs brisées ne valent que pour elles. Au travers d’événements et de dialogues farfelus, d’un burlesque triste, signature au fil des ans du cinéaste, Broken flowers colle à la solitude d’un personnage soudainement confronté à son passé. Au bout de son trajet, il débouche sur une impasse douloureuse. Les travellings finaux forment une spirale temporelle où le passé et le présent semblent tourbillonner dans un chaos intérieur permanent. Ils renvoient un miroir sur sa propre vie, celui qu’il a pendant tout le trajet renvoyé à ses ex. Et ce constat est déchirant.
Ce Jarmusch se révèle mineur dans une filmographie habituée à un standard très élevé. La déception vient essentiellement de la rencontre entre Bill Murray - qui semble sorti de Lost in translation pour la neurasthénie ambiante et de La vie aquatique pour le rapport délicat à la progéniture - et le cinéaste qu’on aurait souhaité plus corrosive. Or, si Bill Murray fait peut-être du Bill Murray, il n’en demeure pas moins impeccable dans le rôle de cet homme faussement impassible qui recolle tous les morceaux de sa vie brisée. Toute la tristesse du film se lit sur son visage déphasé. Les longs plans-séquences mélancoliques confèrent à cette balade sentimentale une émotion souveraine, mais cette fois-ci, la structure paraît fabriquée. Heureusement, le film trouve toute son émotion et sa vigueur dans la galerie de portraits féminins savamment esquissés et supérieurement interprétés (Sharon Stone, Frances Conroy, Julie Delpy, Jessica Lange et Tilda Swinton, toutes déphasées et formidables). Au contact de l’homme revenu, elles arborent un regard et un sourire tristes qui en disent plus long que des monts de bavardage. Elles traduisent la tristesse indicible de la souffrance de la séparation, la colère sourde et les ravages du temps. Chacune de leurs apparitions révèle des situations a priori cocasses, en réalité subtilement émouvantes.
Avec plus de précision, Jarmusch affirme l’esthétique déployée dans ses premiers films, notamment Stranger than paradise (1984), avec la même acuité dans l’observation des gestes ou pour cerner les tracas intérieurs. Son cinéma, mélancolique et discrètement romantique, prend ici un envol élégant vers une épure saisissante. Le voyage tantôt absurde tantôt tragique, peut être très éprouvant pour qui n’adhère pas au style du cinéaste, mais ce qui pourrait passer pour de la facilité n’est en fait qu’un accomplissement. D’aucuns diront qu’il ne s’agit là que d’une sorte de film-best of, on préfère voir une sorte de film-somme dans lequel un homme regarde sa propre vie et le spectateur la sienne.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Un entretien avec le réalisateur d’une vingtaine de minutes durant lesquelles il se penche sur son travail avec son phrasé si monocorde. Très instructif, Jarmusch évoque ses habitudes, sa relation particulière avec Bill Murray, le tout resitué dans le contexte de sa riche filmographie. On se passera aisément des Prises ratées pas spécialement drôles et de la scène alternative sans grand intérêt.
Image & son : Edition honnête qui remplit son cahier des charges : précision suffisante, couleurs saturées idéalement, et compression à la hauteur des ambitions artistiques du film. Il est vrai que la réalisation précise mais néanmoins pépère ne requiert pas une tonne d’effet de la part de votre ensemble home cinéma. Il en va de même avec le son Dolby Digital 5.1 qui met en avant de manière très distincte les partitions des acteurs/trices.
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Marine 9 octobre 2005
Broken flowers - la critique + test DVD
Je suis pourtant plutot bon public et il m’en faut peu pour passer un bon moment dans une salle obscure... mais là, excusez moi, je n’ai pas du tout accroché : la quête identitaire d’un Don Juan quadragenaire à travers les retrouvailles de ses anciennes conquetes... Aucun rythme, des clichés en veux-tu en voila (de la snob coincée à l’excentrique en sous vetements en passant par la psy pour animaux perturbée...), et... une fin en eau de boudin ! On est déçu que tout ce chemin ne nous ait finalement mené nulle part... Ca se laisse regarder, mais j’avoue que je n’ai pas trouvé l’interêt...