Le 4 juin 2020
Cinq villes. Cinq voitures. Cinq chauffeurs de taxis. Autant de situations où les personnages se retrouvent face à face avec des inconnus qu’ils ne reverront sans doute jamais. Dans un film entièrement tourné la nuit, Jim Jarmusch explore ces scènes de rencontres fortuites avec humour et poésie.
- Réalisateur : Jim Jarmusch
- Acteurs : Béatrice Dalle, Gena Rowlands, Winona Ryder, Roberto Benigni, Isaach de Bankolé, Armin Mueller-Stahl, Matti Pellonpää, Rosie Perez, Paolo Bonacelli, Giancarlo Esposito
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 2h09min
- VOD : La Cinetek
- Reprise: 3 juillet 2019
- Date de sortie : 18 décembre 1991
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Résumé : 5 histoires de taxis se déroulant simultanément dans 5 villes du monde, à Los Angeles, à New York, à Paris, à Rome et à Helsinki.
Critique : Les premiers services de voitures à disposition du public naissent à Byzance dans l’Antiquité : bien avant que l’homme n’invente la voiture, le taxi s’impose comme un moyen de transport essentiel pour convoyer les promeneurs, les travailleurs ou les touristes d’un point à un autre. Le taxi est surtout un lieu de sociabilité rare, où les individus tissent un rapport social, aussi éphémère soit-il. Selon le sociologue allemand Georg Simmel, toute relation tient pour origine les informations que les hommes détiennent les uns sur les autres. Mais quel est le degré de vérité de ces informations, lorsqu’elles sont par essence invérifiables ?
- © 1991 Locus Solus Inc.
C’est sur ce paradoxe que repose l’attrait du film. Le film se déroule successivement à Los Angeles, New York, Paris, Rome et Helsinki. On voit se rencontrer pêle-mêle une grande productrice de cinéma et une jeune rebelle passionné de mécano, un curé et un trublion au train de vie peu catholique, un dandy new-yorkais et un papy russe qui ne sait pas conduire… Tous ces gens n’ont rien en commun et nous offrent pourtant des échanges pleins de spontanéité, bien loin de la retenue qui sied en pareille circonstance. Il y a quelque chose de satisfaisant à voir ces inconnus se dévoiler, livrer des morceaux de leur existence sans avoir peur d’être jugés, tout ce que personne n’oserait montrer à la face du monde. Leurs petites tracasseries pourraient paraître sans intérêt, si elles ne permettaient pas de rentrer dans l’intimité des personnages, de comprendre ce qu’ils sont bien plus fidèlement que par de longs discours. Ce qui ne veut pas dire que les personnages se disent tout… La caméra est placée sur le tableau de bord, à hauteur de visage, et par ce procédé le spectateur a accès à toutes les émotions dont les autres passagers sont privés. Ces apartés figuratifs nous offrent quelques scènes comiques des plus savoureuses, comme lorsqu’un couple d’ambassadeurs africains se payent la tête du chauffeur resté silencieux.
Le découpage du film en cinq situations, loin de perdre le spectateur, donne relief et dynamisme à l’ensemble, nous laissant tout le loisir d’imaginer les rapports entre les personnages. On évoquera par exemple la belle-sœur de Yoyo tout comme celle du taximan italien. Roberto Benigni porte des lunettes de soleil juste après la scène de l’aveugle parisienne, et les deux potes débarquant à Los Angeles sont autant éméchés que l’ami malheureux d’Helsinki. C’est aussi l’occasion de découvrir de nuit cinq grandes villes occidentales, qui dévoilent par l’image et le langage les spécificités culturelles des différents pays, tout en conservant une part de mystère liée à la photographie clair-obscur en argentique.
- © 1991 Locus Solus Inc.
Le film est porté par les performances magistrales d’acteurs déjà reconnus à l’époque, comme Gena Rowlands et Roberto Benigni, mais surtout de ceux qui le seront plus tard : l’envoûtante Béatrice Dalle (37°2 le matin, Trouble every day), le malicieux Giancarlo Esposito (célèbre pour son rôle dans Breaking Bad) ou la désinvolte Winona Ryder, qui collectionnera les récompenses de second rôle dans les années 1990. Tout cela sublimé par la « patte » Jim Jarmusch avec un rythme souvent lent, d’astucieux jeux de lumière et une espèce de quiété sensible, toujours sur le point d’être rompue. Plus accessible que Stranger than Paradise, aussi drôle que Down by law ; le réalisateur aux cheveux blancs confirme avec ce film tous les espoirs placés en lui, après sa Caméra d’or au festival de Cannes 1984.
Night on earth est un peu comme un rêve : toutes sortes de bizarreries s’y passent, mais ce n’est qu’après coup que l’on en prend conscience. Entre-temps, le jour s’est levé et le taxi a déjà fait sa course.
Le film est notamment disponible en VOD sur la Cinetek, le site des réalisateurs de la Cinémathèque française : https://www.lacinetek.com/fr/
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