Courts-métrages sauce pianocktail
Le 24 janvier 2024
Une collection de courts-métrages qui exhume un recueil de scénarios restés inadaptés du vivant de l’auteur. Hétéroclite, drôle et foutraque, comme l’œuvre de Boris Vian lui-même.
- Acteurs : Claude Perron, Annelise Hesme, Lou de Laâge, Hugo Becker, Laurent Papot, Audrey Fleurot, Alice Isaaz, Jacques Herlin, Bernie Bonvoisin, Salif Cissé
- Genre : Court métrage
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 2h17mn
- Titre original : Boris Vian fait son cinéma
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– Réalisateurs : Albane Bisleau, Anne-Laure Daffis, Chloé Larouchi, Clémence Madeleine-Perdrillat, Elsa Blayau, Julien Paolini, Léo Marchand, Marie Schnakenbourg, Pablo Larcuen, Rokiatou Konaté, Sarah El Karkouri, Valentine Graffinel
– Sortie DVD : 5 décembre 2023
Critique : Boris Vian et le cinéma, c’est une longue histoire d’amour et de haine : si l’auteur polymathe apparut à l’écran le temps de quelques panouilles (dans Notre-Dame de Paris de Delannoy, ou Les Liaisons dangereuses 1960 de Vadim), on lui doit aussi Rue des Ravissantes, recueil de scripts restés dans les tiroirs de son vivant. Mais surtout, surtout, c’est au début de la projection de J’irai cracher sur vos tombes de Michel Gast, adaptation de son œuvre qu’il récusait sans ambages – que Vian perdit la vie.
Plus de soixante ans après sa mort, et alors que les jeunes générations qui n’ont pas lu L’Écume des jours se demandent peut-être qui est ce drôle de sosie d’Emmanuel Macron qui joue de la trompette, Boris Vian fait son cinéma a la bonne idée d’exhumer le recueil Rue des Ravissantes. Une collection hétéroclite de courts-métrages réalisés au cours de la décennie passée, inégale presque par essence, mais pleine de bonnes surprises. En premier lieu dans le film éponyme, porté par Jacques Herlin (Des hommes et des dieux), dans l’un de ses derniers rôles mais toujours en grande forme, en maquereau évoquant avec truculence et poésie les fameuses « ravissantes » dont il avait la charge !
Très réussi aussi, L’autostoppeur de Julien Paolini, l’histoire d’un couple tentant de camoufler un meurtre routier dont les plans sont contrecarrés par un… autostoppeur aux motivations troubles. On pense au Voyage de la peur d’Ida Lupino, et aussi à une coenerie du type Sang pour sang ou Fargo – références pour certaines déjà embarquées dans l’œuvre vianesque, tant les livres écrits sous le pseudo de Vernon Sullivan témoignent d’une solide connaissance du film noir américain.
Tout aussi enraciné dans les terres et les influences étasuniennes, le bien nommé Cowboy de Normandie de Clémence Madeleine, qui voit le sympathique Laurent Papot (physiquement à mi-chemin entre Vincent Macaigne et Thomas Scimeca) faire faux bond à l’irrésistible Maud Wyler (Perdrix, Mixte) le jour de son mariage. Savoureux décalage également qu’est celui de La Mécanique des tournesols. Cette œuvre est collective (cinq cinéastes sont crédités : Albane Bisleau, Sarah El Karkouri, Valentine Gaffinel, Rokiatou Konaté et Marie Schnakenbourg). Elle parachute un quidam (Salif Cissé, recroisé depuis dans l’excellent À l’abordage !) dans un monde gentiment dystopique peuplé d’improbables sosies grimaçants, qui n’est pas sans évoquer un Brazil soft.
Plus dispensables peut-être, les deux courts-métrages qui complètent cette anthologie filmique : Notre Faust de Chloé Larouchi et Elsa Blayau, sympathique romance éthérée interprétée par deux actrices alors promises à un avenir radieux (les gémellaires Alice Isaaz et Lou de Laâge) et une Audrey Fleurot très à l’aise en Méphistophélès moderne. Enfin, De quoi je me mêle de Pablo Larcuen, et son loser à peine magnifique crapahuté dans une histoire criminelle. Rigolo, à défaut d’être pleinement inspiré.
Finalement, le plus marquant dans cette collection filmique est aussi ce qu’il y a de plus frustrant : la rencontre, des plus fécondes, entre Boris Vian et le cinéma – qui fait ici l’objet d’un rattrapage après-coup, mais jamais concrétisée de son vivant. L’écriture alerte et vivante de Vian, sa capacité à passer aisément d’un style à l’autre et de la prose aux vers, sa connaissance encyclopédique du polar, a fortiori américain, laissaient présager de beaux lendemains. Mort à 39 ans, l’auteur de Je voudrais pas crever n’en aura pas eu le temps.
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