Le 1er avril 2024
Boursouflé et bancal, recyclant des scénarios de Schrader ou Ferrara, ce film sur les périples de deux ambulanciers new-yorkais ne vaut le détour que pour le jeu de ses interprètes.
- Réalisateur : Jean-Stéphane Sauvaire
- Acteurs : Sean Penn, Michael Pitt, Tye Sheridan, Mike Tyson, Katherine Waterston, Raquel Nave, Kali Reis
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Asphalt City
- Date de sortie : 3 avril 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023
L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, en compétition
Résumé : Un jeune ambulancier, Ollie Cross, doit faire équipe avec un urgentiste expérimenté, Rutkovsky. Tous les deux arpentent les rues du centre-ville de New York, entre criminels, SDF et usagers de drogues. Ollie découvre ainsi les risques inhérents à son métier.
Critique : Jean-Stéphane Sauvaire avait été révélé avec Johnny Mad Dog, primé à Un Certain Regard en 2008. Cette dénonciation des enfants soldats en Afrique n’évitait pas la complaisance, par son insitance à filmer une violence inouïe, tout en se donnant une posture humaniste. Le réalisateur nous avait davantage convaincus avec Une prière avant l’aube, présenté en sélection officielle cannoise en 2017. Loin du filmage racoleur et malsain de son premier film, le métrage adaptait l’autobiographie de Billy Moore, ancien boxeur britannique ayant purgé une peine de prison en Thaïlande, brossant le beau portrait d’un être en immersion forcée dans un univers dont il ne détecte pas les codes. Malheureusement, le réalisateur français retombe dans le péché mignon de ses débuts en posant cette fois-ci sa caméra à New York, dans le quartier de Bushwick à Brooklyn, par ailleurs son lieu de vie. Il s’agit à nouveau d’une adaptation, celle du roman 911 de l’Américain Shannon Burke. Ce récit sombre s’inspirait plus ou moins de l’expérience personnelle de l’écrivain qui avait été ambulancier dans le Harlem furieux des années 1990. Jean-Stéphane Sauvaire semble certes avoir été très impliqué dans le projet, ayant voulu lui donner une tournure à la fois fictionnelle et réaliste.
- © 2023 David Ungaro. Tous droits réservés.
Il déclare ainsi sur le site du Festival de Cannes : « C’est vrai que le réel, dans sa forme documentaire, est important pour moi en tant qu’outil narratif pour construire la fiction. J’ai toujours besoin de croire aux situations que je vais devoir filmer. Et pour en connaître la véracité et pouvoir la retranscrire, il faut s’y confronter. Ma première approche a donc été de rencontrer Shannon et d’aller avec lui (…) sur "les lieux du crime". La deuxième étape a été de revêtir l’uniforme d’ambulancier et pendant plus d’un an, d’avoir la chance grâce à l’hôpital de Wyckoff à Brooklyn, de vivre de l’intérieur les différentes situations que l’on voit dans le film ». Il reconnaît toutefois s’être réapproprié le scénario en le greffant à son univers. Et c’est ici que le bât blesse. L’ensemble n’est pourtant pas mal ficelé, avec une narration haletante sur un binôme d’ambulanciers, l’un en fin de carrière, l’autre débutant. Le premier, Gene (Sean Penn), est un cynique brut de décoffrage à qui on ne la fait pas, désabusé par une vie conjugale ratée et un métier qui lui fait côtoyer toute la misère du monde (dealers, sans-abri, femmes battues…) sans avoir un brin de reconnaissance, y compris de la part des personnes qu’il vient secourir, qui le traitent le plus souvent de tous les noms d’oiseaux plutôt que de lui dire un simple « merci ». Le second, Ollie (Tye Sheridan), est un jeune idéaliste appliquant les protocoles à la lettre et étant persuadé d’avoir une mission de sauveur, presque au sens chrétien du terme. Les rapports entre les deux hommes sont dépeints sans originalité mais avec habileté, de la méfiance réciproque à la compréhension, du choc des valeurs à l’amitié sincère mais forcément contrariée.
- © 2023 Optimale Road Films. Tous droits réservés.
Mais la psychologie des protagonistes reste sommaire, et bien trop inspirée des scénarios de Paul Schrader ou Abel Ferrara. On songe ici surtout à À tombeau ouvert, mais aussi Taxi Driver, Gene et Ollie semblant être deux faces du Travis Bickle de Scorsese, et les urgences en ambulance, dans un New York nocturne et glauque, ravivant les souvenirs du taxi à la dérive. Mais Sauvaire et ses coscénaristes (Ryan King et Ben Mac Brown) se montrent davantage moralisateurs que moralistes. Surtout, la mise en scène est la plupart du temps criarde, accentuant le caractère sordide des décors et situations par un montage à la truelle, qui culmine avec la séquence du secours d’une jeune femme ayant provoqué son propre accouchement. Ce mauvais goût est pourtant estompé dans certains passages (plus rares) où les auteurs font preuve de plus d’ambiguïté et de nuances, notamment dans la description des relations entre Ollie et sa maîtresse (Katherine Waterston). Il faut dire que les interprètes sont l’un des rares atouts de ce film mineur dont on peine à comprendre la sélection en compétition officielle du plus grand festival de cinéma du monde. Évitant le cabotinage qu’aurait pu susciter son rôle, Sean Penn est impeccable, après le naufrage de Flag Day. Mais il se fait voler la vedette par son partenaire, l’étonnant Tye Sheridan, que l’on avait remarqué dans Mud, Ready Player One et The Card Counter.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.