Un récit débordant de vie et d’énergie, conduit paradoxalement par des personnages seuls et sans illusions. Donner s’attaque à la société du spectacle en prenant soin de mettre des gants.

Christophe Donner possède l’art et la manière de mettre en scène ses personnages et de leur donner vie. En quelques pages, on sait où l’on met les pieds et à qui l’on va se frotter. Ici, l’étincelle allumant le brasier tient dans la rencontre improbable entre deux personnages que rien n’aurait dû rapprocher.
Le jour où Henri croise Martine Victoire à l’hippodrome de Cabourg, le coup de foudre est immédiat. Henri est journaliste à Paris Turf, parieur passionné de chevaux. Martine est une star du cinéma connue pour sa grande gueule et son charisme, qui a la particularité de faire marrer et de ne tourner que des navets. Ils se marient et emménagent dans un appartement surplombant Paris. Mais ces personnages privilégiés et plein aux as vont rapidement se frotter à la cruelle désillusion du quotidien. Pour Martine, un ex-mari accusé de pédophilie et un fils toxico, pour Henri une femme exubérante et hermétique au bonheur, transmettant son mal de vivre et répandant son fiel autour d’elle.
Christophe Donner fait une fois encore la part belle au milieu hippique mais règle également son compte à la société du spectacle. Deux univers foncièrement différents, deux façons d’aborder la vie sans véritables points communs. A la sobriété de l’un s’oppose les paillettes de l’autre. Ce qui frappe, c’est la solitude poisseuse de tous ces personnages, impossible à partager, difficile à supporter, qui les ronge jour après jour malgré les apparences. On pourrait reprocher à Donner de ratisser trop large (pédophilie, drogue, maladie, famille recomposée...) et de parfois noyer la crédibilité de son propos. Mais ce bémol est atténué par un réel talent à faire parler ses personnages, à en creuser l’en-dedans et à les restituer bourrés de fragilité.