Le 22 septembre 2016
Toujours sans sortir de sa zone de confort, le producteur Apollo Brown revient en force accompagné de son groupe Ugly Heroes dans ce qui se révèle être l’album de la maturation pour le trio américain.



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Notre avis : Dès les premières notes du morceau d’ouverture Today Right Now, quiconque familiarisé un tant soit peu avec l’univers d’Apollo Brown se retrouve en terrain connu. Le sourire aux lèvres, on reconnaît immédiatement ces légers craquements de vinyles et ce hip hop boom bap des années 90 puisant dans la soul si chère au producteur de Detroit. Avec Everything in Between, inutile de s’attendre à un changement de direction, le hip hop reste basé sur le même sens de la découpe, sans que l’on s’en plaigne tant chaque instrumental procure ce même plaisir auditif, mention spéciale à Notions, au calme enivrant. Même dans la construction, aucune évolution n’est à signaler, avec pour chaque morceau toujours deux couplets, un pour chacun des deux rappeurs Red Pill et Verbal Kent (à l’exception de Fair Weather), et un refrain, qui avouons-le, n’est pas toujours l’aspect le plus intéressant du groupe. Pourtant la recette continue de prendre, et même mieux, elle n’a jamais été autant efficace pour Ugly Heroes.
En allant chercher un rappeur de Detroit (Red Pill) et un autre de Chicago (Verbal Kent), aux vécus et aux styles (écriture et flow) extrêmement différents, afin de former Ugly Heroes, Apollo Brown portait sur ses larges épaules la lourde tâche d’homogénéiser et de canaliser les deux MCs grâce à ses productions si particulières. Il aura donc fallu attendre deux albums ainsi qu’un EP pour voir cette collaboration porter pleinement ses fruits avec un Everything in Between d’une cohérence implacable.
Moins portés sur la classe ouvrière que sur le premier album (Ugly Heroes est un terme désignant ces ouvriers oubliés de la société qui travaillent tous les jours à l’usine), Red Pill et Verbal Kent n’hésitent plus à évoquer explicitement leur vie privée et notamment leur famille, dans les touchantes Peace of Mind mais surtout Unforgiven, emmenée d’une main de maître par la production reposante et chargée de mélancolie d’Apollo Brown. Capables également d’adopter une vision plus globale de leur pays, les deux rappeurs n’en oublient pas leurs engagements et savent appuyer là où ça fait mal, dans les nombreux travers des États-Unis, dont l’énervée This World s’érige en porte étendard.
Cette multitude de thématiques apporte ainsi de la variété à un album qui parvient à captiver sans difficulté le long de ses 45 minutes, à toucher l’auditeur par la description d’un mode de vie humble, celui de Red Pill et de Verbal Kent, profondément humains et touchants tant ils mettent dans leur hip hop une envie et une honnêteté transmises par un flow énergique, en synergie avec les productions entraînantes d’un Apollo Brown inspiré, constamment à la recherche de nouvelles mélodies à partir de son (très) large éventail musical.
La beauté d’un hip hop que les "Ugly Heroes" méritent.