"Ça reste dans la famille"
Le 16 mai 2021
Un film bouleversant qui tire le signal d’alarme sur les grandes difficultés que rencontrent des agriculteurs livrés à eux-mêmes, face aux multiples contraintes qui s’abattent sur leur profession.
- Réalisateur : Édouard Bergeon
- Acteurs : Guillaume Canet, Rufus, Samir Guesmi, Veerle Baetens, Anthony Bajon
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 18 février 2024 21:08
- Chaîne : France 2
- Date de sortie : 25 septembre 2019
- Festival : Festival d’Angoulême 2019
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Résumé : Pierre a vingt-cinq ans quand il rentre du Wyoming pour retrouver Claire sa fiancée et reprendre la ferme familiale. Vingt ans plus tard, l’exploitation s’est agrandie, la famille aussi. C’est le temps des jours heureux, du moins au début… Les dettes s’accumulent et Pierre s’épuise au travail. Malgré l’amour de sa femme et ses enfants, il sombre peu à peu… Construit comme une saga familiale, et d’après la propre histoire du réalisateur, le film porte un regard humain sur l’évolution du monde agricole de ces 40 dernières années.
Critique : Un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Ce constat accablant témoigne du mal-être d’une profession décriée malgré son utilité, au point que des émissions telles que L’amour est dans le pré ont vu le jour, révélant la grande solitude de ceux qui nous nourrissent. Transfiguré par de nouvelles contraintes de production, accablé par la nécessité de toujours se moderniser pour faire face aux exigences croissantes de normes européennes, parfois bien éloignées de la réalité, le noble métier de paysan est soumis à un contexte agricole de plus en plus difficile. Les exploitations, le plus souvent familiales, sont les témoins de crises générationnelles importantes, lorsqu’il apparaît évident que la vision de la profession doit changer en profondeur si un domaine veut survivre.
C’est ce mal-être paysan que dépeint le réalisateur poitevin Édouard Bergeon. Déjà, en 2012, il présentait le documentaire Les Fils de la terre, dans lequel il suivait Sébastien Itard, agriculteur, producteur de lait dans le Lot, dont la trajectoire rappelait celle de son père. Il y évoquait un monde agricole au bord de l’asphyxie, soumis à la pression des banques, à des instances économiques toujours plus exigeantes et même à un environnement familial délicat. Car, si la plupart des exploitations sont des héritages, les jeunes agriculteurs débutent avec une écrasante pression sur les épaules : ne pas couler le domaine du père.
- © Diaphana Distribution
Au nom de la terre permet au réalisateur de retracer le parcours de son défunt père, éleveur de chevreaux qui s’est épuisé au travail, avant de perdre pied. En se fondant sur sa propre histoire familiale, il témoigne d’un contexte agricole difficile, tout en montrant que les agriculteurs ne sont pas protégés face aux aléas, qu’ils soient climatiques ou économiques. Quand la récolte est soumise au climat et que les banques frappent à la porte, les coups durs provoquent une souffrance si viscérale que la famille reste le seul rempart.
En agriculture, les familles sont difficilement dissociables de leur activité, notamment parce que l’exploitation est gérée par plusieurs membres. Édouard Bergeon tenait absolument à mettre en valeur le rôle des femmes, rendant ainsi hommage à sa mère ; cibles des critiques, elles sont souvent montrées du doigt quand l’exploitation est en difficulté. Pourtant, leur soutien est primordial, tout autant que celui des enfants.
- © Nord Ouest Films
Pour prendre ses traits et le représenter lorsqu’il se destinait encore à une carrière agricole, le cinéaste a choisi le jeune comédien Anthony Bajon, récompensé par l’Ours d’argent du meilleur acteur pour son rôle dans La Prière. Il livre ici une performance profonde et bouleversante, se glissant tranquillement dans la peau d’un lycéen qui travaille comme un homme. Primé par le prix d’interprétation masculine au festival d’Angoulême, il tient l’exploitation familiale (et finalement, le film) sur ses jeunes épaules. Face à lui, Guillaume Canet est tout autant habité et témoigne du soutien qu’il affiche toujours au monde agricole, en interprétant, avec sincérité, un agriculteur qui n’arrivera plus à faire face – jusqu’au geste fatal.
- © Nord Ouest Films
Film autobiographique bouleversant, qui tire le signal d’alarme en montrant à quel point perdre pied est facile, Au nom de la terre cherche à révéler les histoires familiales qui se cachent derrière des chiffres accablants mais qui, finalement, n’ont pas suffisamment d’effet sur l’opinion publique. A la tête d’exploitations essentielles, exerçant un métier physique et compliqué, les agriculteurs ont besoin d’un soutien à grande échelle. A défaut de les protéger des aléas qui peuvent ruiner des mois de travail en quelques heures, cela leur apporterait peut-être un peu de cette sérénité qui leur fait si cruellement défaut. Une cause nationale, bien loin du simple fait divers.
Comme le chantait Anne Sylvestre : "Pleure ma Terre au ventre déchiré. Pleure la terre où mon sang a coulé". Pauvre terre...
- © Diaphana Distribution
Les suppléments
Sorti en février 2020, le DVD de ce film indispensable permet de proposer au public plusieurs bonus. Le DVD simple offre une copie du film commentée par Édouard Bergeon et Guillaume Canet, ainsi qu’un entretien avec le réalisateur. Une fin alternative (scène coupée de huit minutes) vient compléter la découverte de ce drame.
Le double DVD collector et l’édition Blu-ray dispose des mêmes bonus que l’édition simple, auxquels vient s’ajouter le documentaire Les Fils de la terre, également réalisé par Édouard Bergeon.
L’image
L’image du DVD permet de retrouver la même ambiance qu’au cinéma ; des tonalités ocres, qui contrastent avec les filtres plutôt froids des scènes les plus dramatiques, font penser à ces films d’antan dont les fresques familiales de films plus contemporains se font l’écho. Cela permet de se plonger dans une ambiance qui rappelle des films aussi divers que L’été meurtrier (Jean Becker) ou Jean de Florette-Manon des Sources (Claude Berri) : la nature devient le témoin privilégié du drame qui se joue.
Ce que la qualité de l’image de ce DVD permet de mettre en valeur.
Le son
La musique joue un rôle primordial dans ce drame ; la stéréo de ce support DVD ne permet certes pas de retrouver une bande originale que le grand écran révèle, mais reste d’une qualité suffisante pour que la musique de Thomas Dappelo rajoute une plus-value à une émotion déjà palpable.
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