Le 5 mars 2025


- Scénariste : Moebius>
- Dessinateur : Moebius
- Genre : Science-Fiction
- Editeur : Moebius Production
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 28 janvier 2025
Cette aventure d’Arzak est dessinée et écrite par Moebius. Une histoire inachevée, comportant le premier tome, une trentaine de planches noir et blanc du second tome, le scénario et les notes racontant toute l’histoire. Le tout agrémenté de dessins de Moebius dans l’univers d’Arzak, réalisés avec différentes techniques. Une BD inachevée dont on peut enfin découvrir l’intrigue.
Résumé : {Arzak : destination Tassili, corpus final} commence dans l’espace, à bord du Tronic Rapidoo, un vaisseau commandé par Xing Wang Xu. Lorsque surgit une navette pirate Werg, dirigée par Kimorg Barbax, qui attaque le Rapidoo sans avertissement. Xi Wang Xu comprend vite que les pirates en veulent non à leur deux passagers, des personnes importantes de la confédération Desmezz, responsable de l’éviction des Wergs...
chronique : Un travail vraiment intéressant a été mené pour aboutir à cet ouvrage de qualité. Le premier épisode de « Arzak : destination Tassili », intitulé « Arzak, l’arpenteur » était déjà sorti. Le voici réuni avec sa suite sous une nouvelle forme. Les planches de ce premier tome sont donc réalisées en couleur, sans textes ni dialogues. Un format muet qui rappelle les premières histoires d’Arzak parues dans Métal Hurlant en 1975. En face de chaque planche, le texte et les dialogues, mis en page de manière réfléchie, avec des changements de police selon les didascalies ou les personnages qui s’expriment. Mais la surprise ne s’arrête pas là. Cette première partie est suivie du début de la deuxième, une trentaine de planches noir et blanc, encrées. Et pour conclure, un recueil de notes de Moebius : le traitement et différentes variations qui permettent de connaître ce qu’aurait pu être la fin de ce récit. Des textes de Moebius et Isabelle Giraud nous expliquent et resituent cette BD et son devenir chaotique.
Cerise sur le gâteau, des illustrations viennent rehausser encore notre intérêt. Réalisées à l’acrylique, à l’encre de chine, aux encres de couleur, aux crayons, au numérique, on prend plaisir à parcourir ces illustrations de toutes tailles au fil des pages. On peut s’arrêter et observer comment Moebius utilisait ces différentes techniques pour arriver à ses fins.
Le graphisme réaliste de Moebius fonctionne à merveille. Son encrage fin, ce trait épuré quand on est dans le mégadésert de Tassili, s’oppose souvent au foisonnement de certaines cases, où les hachures, les traces de poussières, de vie, d’usure, patinent les vaisseaux et les vêtements et chargent le trait. Malgré cela, chaque case reste toujours lisible. Le premier chapitre nous permet de profiter pleinement de la composition des planches, grâce à cette répartition dialogue et dessin chacun sur une page. Les couleurs réalisées en numérique pour le premier épisode, nous offrent des aplats étonnants, jouant sur différentes teintes de la même couleur pour les parois rocheuses du désert, par exemple. On peut les comparer à certaines des planches de cet épisode, retravaillées aux encres (noire et couleurs) pour découvrir autrement l’utilisation des dégradés ou des mélanges. L’ensemble de ce recueil se révèle un vrai plaisir visuel, une plongée dans le travail de Moebius à différentes étapes de création.
Le récit en lui-même peut surprendre : Arzak parle, et l’humour distillé dans la première partie mêlé au côté épique et baroque de Tassili est étonnant. Cette BD nous apporte son lot d’explications sur l’univers d’Arzak, des explications dont on n’avait pas forcément besoin, qui ancrent ce monde dans une réalité mais en ôte aussi une part de mystère.
Les différentes orientations de la fin de l’histoire nous ouvrent les portes de l’infini des possibilités, on se rend compte que ce récit, notes rangée dans un tiroir, scénario pour un projet de film avec Ridley Scott, devenant finalement BD, a connu des vagues dans sa création, qui ont certainement influencé ces différentes pistes de développement narratif. Nous n’aurons jamais la réponse, Moebius nous ayant quitté avant d’avoir fini cette nouvelle création, mais grâce à ce magnifique recueil, nous en arpentons les différents chemins. Et cette histoire devenue multiple nous entraîne dans une sorte de cycle, où elle tourne encore et encore, condamnée à ne jamais s’arrêter sur une fin définie. Cette BD nous plonge dans l’univers d’Arzak, que nous pourrons parcourir sans fin autant dans le récit que dans le dessin, à la recherche de l’Anomalie, pour notre plus grand bonheur.
Arzak : destination Tassili, corpus final nous permet de retrouver Arzak et son ptérodelphe, pour partir à nouveau dans un univers étrange, onirique et violent aux portes du silence...
248 pages – 39€