Pagnol adapte Giono
Le 8 juin 2024
Le déshonneur d’une fille-mère. Marcel Pagnol adapte Jean Giono dans un splendide hymne à la Provence et offre son premier grand rôle à Fernandel.
- Réalisateur : Marcel Pagnol
- Acteurs : Jean Servais, Fernandel, Charles Blavette, Andrex, Orane Demazis, Henri Poupon
- Genre : Mélodrame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h25mn
- Date télé : 17 août 2021 23:20
- Chaîne : Paris Première
- Reprise: 24 juillet 2024
- Date de sortie : 16 septembre 1934
L'a vu
Veut le voir
– Reprise en version restaurée : 24 juillet 2024
Résumé : Angèle est la fille de Clarius Barbaroux, un paysan. Un beau jour, elle quitte sa famille sans avertir personne pour suivre un bellâtre. Celui-ci s’avère être un proxénète et prostitue Angèle. Quelques mois plus tard, elle revient à la maison avec un enfant. Son père l’enferme à la cave avec son bébé. Mais les bons valets Saturnin et Amédée veillent sur elle.
Critique : Angèle est la première grande réussite de Pagnol en tant que réalisateur. Après avoir confié la réalisation de Marius (1931) à Alexander Korda et celle de Fanny (1933) à Marc Allégret, le cinéaste s’est lui-même frotté à la mise en scène de cinéma (on passera sur son moyen métrage Joffroi). Pourtant, le matériau original n’est pas de lui et il adapte ici un roman de Jean Giono, avec lequel il partage le sens d’une humanité et l’amour de la Provence. Retrouvant une grande partie de l’équipe technique et artistique de la trilogie, dont sa compagne Orane Demazis et le truculent Edouard Delmont, Pagnol signe un beau mélodrame d’une modernité confondante, au-delà du contexte daté des mœurs de l’époque. Formidable conteur, le futur réalisateur de César s’avère être un maître dans l’art du dialogue, du découpage narratif et de ce mélange de sobriété et de lyrisme qui n’appartient qu’à lui. Prônant la générosité des sentiments et le pardon qui doivent prendre le pas sur le respect des convenances et l’hypocrisie de l’ordre social, le film frappe par l’audace (pour l’époque) de propos tenus dans la bouche de personnages (le cynisme de Louis, racontant comment il a abusé d’Angèle).
- Orane Demazis
- © Carlotta Films
Fidèle à son univers, Pagnol montre comment le malheur individuel croise le drame communautaire. La grossesse d’Angèle fait ainsi écho à celle de Fanny et le départ de la jeune fille annonce celui de La femme du boulanger (1938), laissant un mari désœuvré et un village déstabilisé. Il y a longtemps eu un malentendu Marcel Pagnol. Souvent méprisé par les historiens du septième art en raison de sa volonté délibérée de se servir du cinéma pour assurer une large audience à ses pièces, il s’est un temps vu accoler l’étiquette infamante de « théâtre filmé », au même titre que Sacha Guitry. En outre, le succès de ses films en salles puis à la télévision lui a paradoxalement ôté le prestige de l’auteur de ciné-club (Renoir, Bresson). Pourtant, rien de mécaniquement « théâtral » dans son œuvre admirée par André Bazin et que De Sica ou Rossellini estimaient comme annonciatrice du néoréalisme italien : les décors naturels d’Angèle (magnifiques plans des collines ou des rues de Marseille) et cette attention accordée au quotidien de la paysannerie (rémouleurs, bergers, garçons de fermes...) attestent de cet enracinement dans un cadre populaire quasi-ethnologique.
- Andrex, Orane Demazis
- © Carlotta Films
Et son goût des plans-séquences (dont certains fixes) mettant l’acteur et le dialogue au centre du dispositif, s’inscrit dans tout un courant de l’histoire du cinéma, qui va de Mankiewicz à Allen en passant par Éric Rohmer. La beauté poignante d’Angèle purifie le regard, tout en suscitant une émotion tant réelle qu’artistique, ce qui est la marque des plus grands. Signalons enfin la distribution remarquable, dont Fernandel en valet débordant d’humanité, Henri Poupon en père blessé, Andrex en mauvais garçon ou Jean Servais en amoureux évasif. Plus que dans les adaptations honnêtes mais académiques de ses œuvres par Claude Berri ou Yves Robert, on trouvera l’héritage de la griffe Pagnol dans toute une tendance du cinéma régionaliste dont Robert Guédiguian n’est pas le moindre représentant.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.