Amazing Grace - Aretha Franklin - la critique du film

Notre avis : Quarante-sept ans : c’est le temps qu’il aura fallu pour que ce film, tourné en seulement deux jours, sorte des cartons de la Warner, pour enfin illustrer l’enregistrement d’Amazing Grace, album le plus vendu de la carrière de Franklin et la figure de proue du gospel. Si le titre fait référence à l’un des cantiques chrétiens les plus célèbres du monde anglophone, il s’agit avant tout d’un hommage à la culture du gospel, qui a révolutionné la musique américaine des années 60 ; c’est également la manifestation d’un héritage familial, pour la fille de pasteur baptiste qu’était Aretha Franklin. La chanteuse n’a en effet jamais oublié les sons de son enfance ; très croyante, la reine de la soul y trouvait le moyen d’exprimer, grâce à sa voix exceptionnelle, tout ce que la foi représentait pour elle.
C’est pour cette raison qu’en 1971, après avoir enchaîné les tubes et remporté plusieurs Grammy Awards, avant même d’avoir trente ans, elle se lança un nouveau défi : revenir à la musique de son enfance, à un genre musical qu’elle affectionne particulièrement, mettant la soul de côté, le temps d’un enregistrement qui restera dans les annales, et pas seulement pour les mélomanes, ni pour les chrétiens pratiquants.
Album mythique, film légendaire, Amazing Grace témoigne de ce qu’Aretha Franklin cherchait à démontrer : le gospel n’est pas seulement une musique religieuse, mais peut toucher tout un chacun. Comme ce film, qui invite le plus large public à profiter de ce que la musique fait de mieux.

© Amazing Grace Movie, LLC

Nous sommes le 13 janvier 1972. Aretha Franklin et son équipe se sont installés dans une église intimiste du quartier de Watts, le Harlem de Los Angeles, qui abrite essentiellement des Afro-américains et a connu de terribles émeutes raciales en 1965. C’est ici, quelques années à peine après avoir chanté aux funérailles de son ami Martin Luther King, que la reine de la soul a décidé d’enregistrer un album live, au sein de la congrégation du révérend James Cleveland, devant un public de fidèles. Tout un symbole.
Le cinéaste Sydney Pollack accepte alors de filmer l’enregistrement, qui se déroulera sur deux soirées. Accompagnée par le Southern California Community Choir, la chorale du révérend, Aretha Franklin est tout bonnement sidérante. Son interprétation phénoménale rappelle qu’elle possédait l’une des plus belles voix du monde. Habitée, presque en transe, elle chante plus juste, plus vrai que jamais, faisant naître une émotion palpable à chaque plan, alors qu’elle interprète les plus beaux airs du répertoire gospel.

© Amazing Grace Movie, LLC

Amazing Grace n’est pas qu’un simple concert filmé : il évoque une histoire musicale, mais aussi sociale. Témoignage du travail colossal réalisé par une Aretha Franklin que l’on découvre concentrée, perfectionniste et déterminée, non seulement dans sa foi mais aussi ses combats, ce long métrage à l’énergie communicative ne cherche pas à cacher la réalité d’une société américaine où les clivages ont conduit des chanteuses comme la elle à lutter désespérément contre le racisme. Chaque parole, chaque larme versée par les fidèles qui ont eu la chance phénoménale d’être présents lors de cet enregistrement, ne sont que des témoignages d’une souffrance que l’on devine aisément.
Il est d’autant plus dommage, dans ces conditions, qu’il ait fallu attendre autant de temps pour que ce concert filmé soit enfin diffusé. En cause : une erreur réalisée par un Sydney Pollack sans doute trop transi d’émotion, qui n’a pas synchronisé le son et l’image. Sans clap, sans un parfait accord entre les plans filmés et le chant, le montage se révéla un véritable casse-tête, au point que le film finit dans les tiroirs de la Warner. Il faudra attendre 2007 et l’acharnement du producteur Alan Elliott, qui a racheté les rushes au studio, afin de relancer le montage grâce à la technologie moderne, pour qu’il soit de nouveau question du long métrage. S’ensuivit alors une bataille judiciaire entre Aretha Franklin, qui n’était plus d’accord pour que le film sorte en salle, et ce producteur passionné qui dut attendre le décès de la chanteuse, pour convaincre sa famille du bien-fondé de son projet. Présenté après ces multiples péripéties, Amazing Grace peut enfin éblouir le grand public, entre émotion et humour.

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Car comment ne pas sourire, aussi longtemps après le tournage, en contemplant la mode capillaire et vestimentaire des années 70 ? Comment ne pas être ému en découvrant le tout jeune Mick Jagger assis au fond de l’église ? Comment retenir ses larmes en entendant le père d’Aretha Franklin vanter tout le talent de sa fille ? Il s’avèrera encore plus difficile de ne pas être transporté par un concert qui, aussi longtemps après avoir eu lieu, provoque encore comme un miracle.
Ce film mérite d’être vu, remettant à sa bonne place, au premier rang, une chanteuse exceptionnelle qui n’a pas fini de marquer les esprits. Un pur moment de grâce, pour les yeux et les oreilles. Immanquable.

Liste des chansons du film :

Première soirée :
_On Our Way
_Wholy Holy
_What a Friend We Have In Jesus
_How I Got Over
_Precious Memories
_You’ve Got A Friend
_Precious Lord Take My Hand
_Amazing Grace
_My Sweet Lord (Instrumental)

Seconde soirée :
_Mary Don’t You Weep
_Climbing Higher Mountains
_Old Landmark
_Never Grow Old
_Old Landmark (générique de fin)

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