Le 11 février 2019
Un film hybride étonnant, aux nombreuses séquences virevoltantes. Entre romance impossible, émancipation et questionnements sur la nature profonde de l’être, Alita crève l’écran dans ce qui s’impose sans doute comme le meilleur film de Robert Rodriguez, bien aidé par la vision et le travail de James Cameron.
- Réalisateur : Robert Rodriguez
- Acteurs : Jennifer Connelly, Jackie Earle Haley, Christoph Waltz, Ed Skrein, Mahershala Ali, Rosa Salazar, Keean Johnson
- Genre : Science-fiction, Action
- Nationalité : Américain, Canadien, Argentin
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 2h02mn
- Date télé : 18 octobre 2024 20:55
- Chaîne : RTL9
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 13 février 2019
Résumé : Lorsqu’Alita se réveille sans aucun souvenir de qui elle est, dans un futur qu’elle ne reconnaît pas, elle est accueillie par Ido, un médecin qui comprend que derrière ce corps de cyborg abandonné, se cache une jeune femme au passé extraordinaire. Ce n’est que lorsque les forces dangereuses et corrompues qui gèrent la ville d’Iron City se lancent à sa poursuite qu’Alita découvre la clé de son passé - elle a des capacités de combat uniques, que ceux qui détiennent le pouvoir veulent absolument maîtriser. Si elle réussit à leur échapper, elle pourrait sauver ses amis, sa famille, et le monde qu’elle a appris à aimer.
Critique : Le projet Alita : Battle Angel, James Cameron le porte depuis longtemps. Le film a connu un long développement, avec une préproduction démarrée en 2003, après que le réalisateur de Titanic ait pu acheter les droits d’adaptation du manga culte Gunnm, du mangaka Yukito Kishiro.
Longtemps attaché à mettre en scène la vision qu’il construit lui-même, avec ses équipes, du film à naître, Cameron, après avoir plusieurs fois repoussé le tournage, laisse la main à Robert Rodriguez, qu’il convainc sans peine en lui montrant des tests d’animation et le script.
Le cinéaste avoue avoir découvert l’univers de Gunnm par la vision de James Cameron, qu’il se réapproprie tout en veillant à ne pas dévier du travail déjà effectué.
- © 2019 Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
Il faut le dire d’emblée, les fans seront sûrement déçus de ne pas retrouver à l’écran la tonalité très sombre et la violence représentée dans les pages du manga. Au lieu de cela, les cinéastes – tous deux scénaristes avec Laeta Kalogridis – préfèrent viser un public plus large.
Mais c’est justement sur cette voie que le film étonne plus d’une fois.
Alita : Battle Angel est l’histoire d’une adolescente qui se pose des questions sur son identité, tombe amoureuse et voudrait s’émanciper d’un père aimant mais un peu trop restrictif.
Dit comme ça, c’est du déjà-vu. Mais la nature du personnage ajoute tout un questionnement métaphysique sur l’être humain, ce qui compose son essence.
Iron City est une immense décharge. La dernière cité d’une Terre vidée de ses habitants. Au-dessus flotte Zalem, cité aérienne conçue pour les riches privilégiés, qui exploite la force de travail des gens du dessous et leur largue, au passage, leurs déchets. Une configuration verticale de la lutte des classes qui rappelle Metropolis de Fritz Lang. De nombreux personnages du film ont l’ambition d’un jour pouvoir vivre à Zalem, et celui qui en détient les clés, Vector (l’indispensable Mahershala Ali), peut tout obtenir des gens qu’il exploite en faisant miroiter une place dans la cité flottante.
C’est dans ce contexte que le docteur Dyzon (Christoph Waltz en figure paternelle qui cache quelque chose de plus sombre) trouve dans la décharge un corps cybernétique à la technologie surpuissante, si ancienne qu’elle n’est plus connue.
Il va lui redonner une apparence et, surtout, son prénom : Alita.
- © 2019 Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
Dès l’instant où on la découvre entière, s’éveillant pour la première fois depuis longtemps, avec ses fameux grands yeux largement moqués sur les réseaux, Alita crève l’écran. Rosa Salazar incarne cette androïde en pleine quête existentielle avec un naturel confondant, ce qui ajoute à la fascination exercé par son personnage. Il y a quelque chose de troublant, à la voir bouger et parler comme une adolescente de chair et d’os, alors que sa peau est bien trop lisse et ses cheveux bien trop synthétiques. Mais cet aspect d’Alita sert indéniablement le propos. À l’inverse des incrustations en motion capture de personnages supposés ressembler à des acteurs de chair et d’os, comme cette horrible recréation de Peter Cushing dans Star Wars : Rogue One qui pose question sur bien des aspects, le procédé est utilisé pour intégrer dans ce monde un être totalement factice, fabriqué. Et alors la question posée par le film, - qu’est-ce qui fait l’essence d’un être humain ? - peut pleinement travailler le spectateur sans grands discours théoriques.
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Se faisant métaphore des transformations de l’adolescence, qu’elles soient physiques (une jolie idée visuelle, toute simple, mais qui en dit beaucoup sur le personnage et la perception qu’elle a d’elle-même) ou sur le plan des émotions (tomber amoureuse, désir d’émancipation…), le film pourrait presque passer pour une comédie romantique. On y reconnaît le goût de James Cameron pour les histoires d’amour impossibles, entre des êtres que tout sépare, comme la classe sociale (Titanic), l’ethnie (Avatar) ou encore la profession (True Lies).
Ici, dans ce mythe de Frankenstein revisité, on s’interroge sur la viabilité d’un amour entre une cyborg et un être humain, Hugo (Keean Johnson), sorte de voyou au grand cœur à la James Dean. Et alors, comme chez Mary Shelley, après une séquence incroyable où l’on maintient une tête en vie en la branchant sur un cœur palpitant, un corps sera recomposé.
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Il y a ainsi une dimension tragique dans Alita : Battle Angel. Tragique parce qu’Alita est, en définitive, contrainte à la solitude, même si elle devient un étendard pour toute une population maintenue à la marge.
Pour autant, les cinéastes n’en oublient pas le grand spectacle. Il faut dire que Robert Rodriguez se surpasse. Lui qui nous avait habitués aux séries B ou films familiaux bricolés en 3D (Spy Kids), on le voit ici atteindre une ampleur inégalée (en mettant de côté Sin City qui s’appuyait de façon rigoureuse sur le comic de Frank Miller).
- © 2019 Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
L’action est très lisible et souvent brutale. La caméra virevolte comme l’héroïne, sans se perdre dans l’espace. Le film reprend les compétitions de « motorball » du manga, sorte de courses de vitesse en patins avec une balle où tous les coups sont permis, - clin d’œil à peine caché à Rollerball de Norman Jewison -, dans lesquelles les participants, tous cyborgs, sont la matière première d’un divertissement régressif propre à flatter les bas instincts d’une population endormie. Mais ce sont surtout les séquences de combat qui impressionnent, parce que le cinéaste y fait preuve d’une brutalité étonnante pour un film hollywoodien s’adressant au grand public. Sans parler des démembrements qui transforment nos personnages en troncs hurlants et bagarreurs, images qui impressionnent durablement la rétine.
- © 2019 Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
Si le film utilise beaucoup de CGI, en plus des personnages en performance capture, les équipes ont quand même construit en dur Iron City dans les studios de Robert Rodriguez. À l’écran, c’est tout un univers cyberpunk qui prend vie, multiculturel, investi dans les moindres recoins, donc crédible.
C’est donc un film hybride que Robert Rodriguez et James Cameron proposent sur la base de l’œuvre de Yukito Kishiro, entre animation et film live, entre comédie romantique, spectacle grand public et quête existentielle aux recoins plus sombres et torturés. Il aura fallu la vision rigoureuse d’un artiste tel que James Cameron pour que Robert Rodriguez puisse y trouver son meilleur film.
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Lucky 13 février 2019
Alita : Battle Angel - Robert Rodriguez - critique
Magnifique critique mais pourquoi ne pas parler aux parents ? Je rajouterais qu’il est complètement hallucinant que le film n’ait pas la signalétique "interdit aux -12 ans" en France, ce serait la moindre des choses d’en parler, même en tant que Critique. J’y suis allé avec mes enfants, 9, 15 et 17 ans et celui de 9 ans m’a supplié de sortir très rapidement ! Heureusement ! ... car la boucherie va crescendo et l’ambiance entre Jack l’éventreur et massacre à la tronçonneuse n’est pas à imposer à tous les âges. Il est tout à fait impossible de prétendre le contraire, alors : comment ce film a-t-il pu passer sans signalétique !? J’attends des réponses des responsables.
xoxo 13 février 2019
Alita : Battle Angel - Robert Rodriguez - critique
Je viens de sortir de la salle et comment dire ? Il faut absolument une suite , je peut clairement pas rester sans suite c’est impossible. Le ifilm est juste trop bien
mv2019 14 février 2019
Alita : Battle Angel - Robert Rodriguez - critique
Une création originale méprisée qui mérite sa place proche de l’OAV de 1995 de Ghost in the shell.
Contrairement à ce que certains diffamateurs, ce film est selon moi une belle réussite :
Adaptation excellente du manga (Gunnm), effets spéciaux dosés à la perfection, histoire extrêmement captivante avec un scénario qui se déroule simplement mais de manière très efficace.
J’attends avec impatience la possible suite !
birulune 8 octobre 2019
Alita : Battle Angel - Robert Rodriguez - critique
Entièrement d’accord sur tout