Le 15 août 2008
Cette œuvre estimable sans être géniale est un jalon de plus dans la filmographie singulière de ce maître russe.


- Réalisateur : Alexandre Sokourov
- Acteurs : Galina Vishhnevskaya, Vasily Shetvtsov
- Genre : Drame, Film de guerre
- Distributeur : Rezo Films
- Editeur vidéo : France Télévisions
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 26 septembre 2007
- Festival : Festival de Cannes 2007

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Résumé : La République de Tchétchénie de nos jours, dans un campement de régiments russes. Alexandra Nikolaevna vient rendre visite à son petit-fils, l’un des meilleurs officiers de son unité. Elle passe ici quelques jours et découvre un autre monde.
Critique : Une vieille dame digne (interprétée par une grande cantatrice, veuve de Rostropovich) voyage dans un train blindé pour rendre visite à son petit-fils, officier dans une unité de commandos russes en Tchétchénie. Jamais le nom de la république ne sera prononcé dans Alexandra, mais les intentions de Sokourov sont claires : pour réaliser un film de la réconciliation, il n’a pas hésité à effectuer un tournage sur les lieux du drame. Le récit suit cette grand-mère et ses déambulations dans le camp militaire, consolant chacun des soldats désabusés et errant tel un fantôme maternel dans un no man’s land de circonstance. Sa rencontre avec des femmes tchétchènes dans le village voisin montrera le lien entre les deux peuples, au-delà du clivage politique et religieux.
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Beau film méditatif et néoréaliste, Alexandra met en relief la beauté des visages, des accessoires et des éléments naturels les plus attractifs et repoussants. La photographie (un sépia lumineux) atteste d’un désir d’intemporalité qui place l’œuvre sur le plan symbolique plus que politique. Telle Ingrid Bergman dans Stromboli, la babouchka s’imprègne d’un univers étranger mais d’une familiarité intérieure. Sans doute les fans de Sokourov regretteront-ils l’assagissement thématique et stylistique de l’auteur, dont les audaces passées laissent ici place à un humanisme bon teint. Sa volonté de ne pas dénoncer ouvertement les atrocités russes en Tchétchénie le mettent aussi en porte-à-faux, à l’instar d’un Kusturica à l’époque de la guerre en Yougoslavie.
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Mais ce serait faire procès d’intention à Sokourov qui préfère filmer les conséquences humaines et psychologiques d’un conflit. On est également loin de l’ambiguïté incestueuse de Père et fils ou de la perfection formelle atteinte dans Le Soleil, son dernier chef-d’œuvre. Mais le projet de mise en scène est cohérent et Sokourov joue avec pertinence des contraintes liées au petit budget : le hors-champ suggère l’horreur de la guerre et fait écho à la teneur des dialogues. Cette œuvre estimable sans être géniale est donc un jalon de plus dans la filmographie singulière de ce maître russe.