Aimer Pour Deux – Stephen Desberg, Emilio Van der Zuiden, Fabien Alquier - la chronique BD

Cette histoire inspirée de la vie de l’auteur ne laisse pas indifférent. Comment gérer la découverte de la liberté, quand on a vingt ans, dans une ville en guerre et un mariage trop tôt engagé ? Ce sont les dilemmes que doit affronter Monique. On suit la jeune femme dans son périple parisien et dans son voyage intérieur. Nombre des textes sont en fait les pensées de Monique qui se mêlent aux dialogues du récit. Au hasard des rencontres que permet cette période difficile, entre officier SS charmeur, pianiste noir, GI américain, et jeune femme en apparence trop libre, Monique découvre les motivations secrètes des uns et des autres, et ce sont ces moments qui lui font réaliser petit à petit qu’elle seule peut prendre sa vie en mains. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle fera les bons choix... Pourtant, n’est-il jamais possible d’avoir une seconde chance ?
Toutes ces questions flottent dans le récit, durant lequel Monique avance tant bien que mal, où chaque image fugace – celle d’un couple dans les caves pendant les bombardements, un enfant dans la rue – finissent par la renvoyer à sa propre vie. Que veut-elle vraiment ? Vivre en toute liberté, quel qu’en soit le prix ? Surtout ne pas voir brûler sa jeunesse sans la vivre ?

Stephen Desberg, Emilio Van der Zuiden, Fabien Alquier – Grand Angle

Pour illustrer ce récit semi autobiographique de Stephen Desberg, Emilio Van der Zuiden réalise une très belle BD. Les personnages sont découpés sur les décors avec des traits de contour marqués, épais. Leurs yeux parfois réduits à de simples points noirs n’en laissent pas moins passer les émotions. Les décors présentent parfois des hachures, parfois des traits, et ce souci du détail leur donne du poids. Une pesanteur accentuée par les couleur de Fabien Alquier, qui ajoutent de la texture, par ses dégradés, aux volumes des murs. Tous ces lieux finissent par enfermer les personnages dans leur vie dans ce Paris occupé.
Les cases dépourvues de contour dépassent parfois des planches, coupant les gens dans leurs actions. Cette composition fonctionne très bien, sans oublier cette page toute en teinte rougeâtre, où Monique imagine ce qui se passe loin d’elle, où elle observe, dans son imaginaire, les scènes que doit vivre sa fille.

Aimer Pour Deux est une belle réussite, un travail émouvant sur le passé qu’effectue Stephen Desberg, joliment mis en scène et dessiné par Van der Zuiden. Une histoire intime et personnelle qui peut tous nous toucher.