Le 21 mars 2025
Le cinéma de Mikko Mäkelä gagne en maturité avec ce scénario nuancé et troublant, double mise en abyme autour des thèmes de la prostitution et de la littérature. Une bonne surprise.


- Réalisateur : Mikko Mäkelä
- Acteurs : Jonathan Hyde, Ingvar Sigurðsson, Ruaridh Mollica, Hiftu Quasem
- Genre : Drame, Érotique, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique, Belge, Finlandais
- Distributeur : Optimale Distribution
- Durée : 1h51mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 9 avril 2025
- Festival : Festival Chéries-chéris

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Résumé : Max, un aspirant écrivain de vingt-cinq ans, mène habilement son chemin vers le succès dans les sphères culturelles de Londres. La nuit, il s’adonne à une toute autre activité : il vend ses charmes auprès d’hommes plus âgés sur des sites d’escorting sous le pseudonyme de Sebastian. Il décide d’utiliser cette expérience pour nourrir son premier roman. Tandis que Max s’efforce de maintenir un fragile équilibre dans sa double-vie, il doit comprendre si Sebastian n’est réellement qu’un avatar pour obtenir la plus grande authenticité dans son écriture, ou s’il se révèle être plus que ça.
Critique : Réalisateur anglo-finlandais, Mikko Mäkelä avait été révélé avec Entre les roseaux (2019), romance gay charmante mais au ton un peu trop lisse pour convaincre véritablement. Plus ambitieux, Sebastian est une coproduction de qualité primée au QCinema International Film Festival et présentée dans d’autres manifestations dont le Festival de Sundance et Chéries-Chéris. Écrit et réalisé par le Mikko Mäkela, le long métrage met en avant une double mise en abyme traitée avec finesse et ambiguïté. Max est un jeune intellectuel prometteur qui occupe un emploi de journaliste et figure parmi les espoirs de la littérature, avec son projet d’écrire un roman sur l’univers de la prostitution masculine via les sites de rencontres. Étoile montante de la vie culturelle et mondaine londonienne, et disposant d’un salaire confortable, ce jeune homme de vingt-cinq ans n’aurait, a priori, aucune raison de s’adonner lui-même à l’activité d’escort boy, en dépit d’un physique avantageux. Mais Max se prend au jeu.
- Ruaridh Mollica
- Copyright Kino Lorber © 2024 Bêtes Sauvages. Tous droits réservés.
Souhaite-t-il se documenter pour mieux alimenter le récit que lui a commandé une éditrice opportuniste qui lui demande une narration à la première personne ? Ou prend-il un réel plaisir à satisfaire le manque affectif et sexuel de sexagénaires esseulés et plus ou moins attentionnés ? Quand l’un de ses clients (l’Australien Jonathan Hyde, excellent) le reconnaît lors d’une réception littéraire, Max efface ses traces culpabilisantes sur Internet, son statut d’auteur respectable étant pour lui prioritaire. Mais c’est pour se réinscrire quelque temps plus tard, son avatar (et son double fantasmé ?) s’avérant être une addiction. La littérature (et l’art en général) doivent-ils être conditionnés par le vécu autobiographique de l’auteur ? Une double vie peut-elle façonner une personnalité ?
- Ruaridh Mollica
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Par cette double mise en abyme, qui pourrait paraître banale mais est traitée avec nuances, Mikko Mäkela implique le spectateur dans ses interrogations, via une histoire qui rappelle par moments Belle de jour de Buñuel, même si aucune séquence ne semble refléter l’imaginaire du protagoniste. L’esthétique du film, séduisante bien que classique, alterne les gros plans pour les scènes intimistes et les plans d’ensemble pour mettre en avant une distanciation, parfois ironique, à l’égard des situations. Et le réalisateur est bien entouré de collaborateurs artistiques et techniques en harmonie avec sa démarche : la bande originale, en particulier, contribue à l’ambiance à la fois réaliste et étrange, de la musique électronique incorporant des éléments naturels à des sonorités plus atmosphériques. On regrettera juste quelques passages un brin convenus, comme les relations entre le personnage central et sa mère. Dans le rôle-titre, Ruaridh Mollica est une révélation, qui devrait connaître une carrière aussi prometteuse que celle d’un Harris Dickinson (Babygirl) dans le même registre.