Le 8 avril 2025
Une remise en question existentielle qui nous emmène sur les chemins de traverse entre épreuves et enchantement. Évitant tous les clichés tant photographiques que climatiques ou sociaux, Bergers représente une bouffée d’air pur qui véhicule apaisement et pensées positives.


- Réalisateur : Sophie Deraspe
- Acteurs : David Ayala, Bruno Raffaelli, Solène Rigot, Guilaine Londez, Véronique Ruggia Saura, Younès Boucif, Félix-Antoine Duval, Michel Benizri
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Canadien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h53mn
- Date de sortie : 9 avril 2025
- Festival : Festival de Toronto 2024

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Résumé : Sur un coup de tête, Mathyas troque sa vie de publicitaire à Montréal pour celle de berger en Provence. Il espérait trouver la quiétude, il découvre un métier éreintant et des éleveurs souvent à bout. Mais quand il rencontre Elise qui elle aussi vient de tout quitter, ils se voient confier un troupeau de 800 moutons et s’engagent dans une transhumance. Ensemble, ils vont traverser les épreuves de la montagne et se façonner une vie nouvelle.
Critique : Après avoir revisité la tragédie grecque avec sa vision moderne d’Antigone, la réalisatrice canadienne Sophie Desrape change totalement de registre avec l’adaptation du livre de Mathyas Lefebure mais ne perd rien de son talent à retranscrire, avec autant de sobriété que de sensibilité, la réalité contemporaine. Bien sûr, certains pourraient craindre de se retrouver une nouvelle fois face à la fable du jeune cadre dynamique qui, mesurant soudainement la vacuité de son existence, décide de se réconcilier avec la nature. Pourtant, en décrivant avec un pragmatisme judicieusement teinté de poésie la dure réalité de la vie de berger, la réalisatrice signe un film optimiste et juste qui nous emmène à la découverte originelle d’une nature tout à la fois puissante créatrice et source de cruauté et destruction à l’égard de tous ceux qu’elle a fait naître. La scène de l’orage en pleine montagne d’une parfaite authenticité en est le plus bel exemple.
- Copyright Pyramide distribution
Mathyas, (Félix-Antoine Duval), jeune publicitaire montréalais, a quitté son vaste continent américain pour goûter les charmes d’une ville moyenne française, Arles plus précisément. C’est de là qu’il rédige, non sans humour, ce message destiné à son employeur et à ses collègues, pour les informer de sa désertion. Après s’être procuré quelques livres sur le pastoralisme et avoir affronté les moqueries plus ou moins sympathiques de quelques éleveurs rencontrés dans un café, il se fait embaucher comme apprenti chez l’un d’entre eux qui ne trouvera pas le temps nécessaire pour le former. Mais sa notoriété est désormais suffisante pour inciter l’épouse d’un éleveur fatigué et aigri à l’appeler à la rescousse. Il découvre alors l’envers du décor, dominé par la violence et la maltraitance animale. C’est le moment que choisit Élise (Solène Rigot), une fonctionnaire lassée de l’absurdité des formulaires administratifs, pour le rejoindre. La chance leur fait croiser la route d’une femme passionnée, investie et bienveillante (Guilaine Londez) qui leur propose d’effectuer une transhumance. Un voyage initiatique, semé de découvertes et jusqu’aux lieux d’estivage.
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Scindé en trois périodes bien distinctes, de l’apprentissage naïf à la plénitude bousculée en passant par le désenchantement, le récit balaie sans angélisme ni catastrophisme les vicissitudes du pastoralisme, une pratique agricole délaissée voire méprisée à l’ère du consumérisme forcené. Car le but n’est pas d’ériger en réussite sociale la quête de sens de son personnage principal, assez courageux ou audacieux pour se soustraire à un confort matériel facile, mais bien plutôt de proposer au spectateur une réconciliation avec un univers naturel qui, quoiqu’en décident les humains, aura toujours le dernier mot. La mise en scène placée à hauteur des êtres (tant humains qu’animaux) englobe dans un lien sensuel et rassurant des paysages dont on perçoit à la fois la beauté et l’hostilité, et contribue à transmettre une fusion presque viscérale entre tous les éléments, tandis que l’histoire d’amour entre nos deux protagonistes apporte la part juste nécessaire de romantisme.
Pour incarner ce couple solaire et complémentaire (d’un côté, Mathyas tout en douceur et réflexion, accent québecois en prime, et de l’autre Élise dans une détermination inaltérable), le jeu de Félix-Antoine Duval et Solène Rigot sonne juste à tous les plans. Accompagné de seconds rôles dont on peut souligner l’efficacité, de l’énergie fédératrice de Guilaine Londez à la bonhomie communicative de David Ayala en passant par le désabusement tout en nuances de Michel Benziri, il participe grandement à l’équilibre d’une histoire aussi rude que sensible.
Évitant tous les clichés tant photographiques que climatiques ou sociaux, Bergers représente une bouffée d’air pur qui véhicule apaisement et pensées positives.