Le 19 février 2020
A l’occasion de l’ouverture de nouvelles salles du musée des Beaux-Arts de Lausanne, les artistes qui font la fierté du patrimoine culturel viennois sont rassemblés subtilement sur le thème de l’authenticité des apparences. Voici la critique du catalogue.
- Auteurs : Catherine Lepdor, Camille Lévêque
- Editeur : Hazan
- Genre : Art & Culture
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 12 février 2020
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Résumé : Catalogue officiel de l’exposition À fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne du 14 février au 24 mai 2020. Pour sa première exposition temporaire dans son nouveau bâtiment, le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne a choisi de mettre en lumière un des épisodes les plus marquants du tournant du XIXème siècle : la contribution de la scène artistique viennoise à la naissance de l’art moderne, qui est un des épisodes les plus extraordinaires de l’histoire de l’art européen. On sait le rôle essentiel joué par Gustav Klimt, Egon Schiele et Oskar Kokoschka dans les beaux-arts, par Otto Wagner, Joseph Hoffmann et Koloman Moser dans l’architecture et les arts appliqués. Le présent ouvrage commente l’œuvre de ces grands artistes, ainsi que celui de nombreux créateurs engagés à leurs côtés dans le combat pour un art qui change la vie. Il propose une lecture thématique inédite de la période comprise entre 1897 (fondation de la Sécession viennoise) et 1918 (dissolution de l’Empire austro-hongrois). Grâce à la réunion d’un riche corpus d’œuvres et aux contributions de spécialistes qui abordent aussi l’apport des sciences médicales, de la théosophie et de la psychanalyse, il retrace l’émergence d’une sensibilité nouvelle, exprimée par un travail plastique se focalisant sur la peau. C’est en explorant les mystères de cette surface sensible que les Modernes viennois vont redéfinir les rapports entre l’homme moderne et le monde, l’objet usuel et son environnement, le bâtiment et la rue.{}
Notre avis : Est-ce le démantèlement de la pesante dyarchie habsbourgeoise ou l’opposition humaniste à l’émergence du monde industriel, qui firent de Vienne le berceau d’un renouveau artistique exprimant une liberté débridée ? Certainement un concours des deux comme le rappelle, en éléments de contexte, la présentation de cette exposition. Un art nouveau naquit à la faveur de cette conjoncture qui montra l’être, toutes les formes de l’être, dans leur plus simple appareil. C’est donc naturellement, la peau, les peaux, qui sont l’objet de cette analyse transversale, philosophique, qui permet hardiment de juxtaposer les toiles des chairs bistres et faisandées des nus d’Egon Schiele, à côté des façades sobres et épurées d’Adolphe Loos. Pari osé, intéressant, qui permet de redécouvrir le patrimoine culturel viennois et de le placer en perspective de ce ressaut humaniste, qui n’arrêta en rien la folie du monde, mais entendit, un court moment, placer l’homme au cœur du projet moderne. L’érotisme et la géométrie, les décorations de matières, le plaisir à fleur de peau, sont unis par cette très belle intuition nietzschéenne qui est prise comme étalon conceptuel de toutes les intelligentes interventions du catalogue : nous ne croyons plus que la vérité soit encore la vérité dès qu’on lui retire son voile.
Ces artistes sont-ils pour autant superficiels ? Au contraire, prétendent les curateurs, ils rendent par leurs œuvres une intériorité psychique profonde, mais aussi leurs liens avec la nature et le cosmos, décapant les artifices conventionnels passés. Apparence et authenticité, voilà tout le jeu complexe de cette monstration.
Certains textes, pour être intelligents, sont parfois ardus à une première lecture et le restent à la seconde. On peut douter, sur le fond, de certaines explications servant le propos, mais c’est sans importance. Il est certainement plus probable que ce courant n’ait fait que défendre le dénuement de l’émergence de la classe populaire, comme un pauvre revendique la frugalité, un architecte revendique la sobriété de l’angle droit du cube plutôt que des volutes extraordinaires, faute de moyens, un décorateur choisit les faïences de couleurs à des sculptures fastueuses, un peintre le rendu de la peau à celle d’une robe de velours sous une cape en hermine. N’annoncent-ils pas par leur art, une paupérisation heureuse, assumée, redonnant du sens à l’homme et ses interrogations, un aplatissement du monde en opposition avec l’emphase religieuse, royale, élitaire et décadente de l’époque ?
Sans conteste, l’homme viennois est aux prises avec lui-même, frontalement. Il se figure son destin, sa nature, sans recourir à l’aura religieuse ou le faste d’une organisation politique en berne. Il souffle une grande liberté dans ces assemblages d’idées libertaires que les courants totalitaires qui suivirent dans le siècle ne réussirent pas à étouffer totalement. Il est bon qu’on nous les fasse aimer à nouveau. Sont-ils encore exemplaires, alors que nous craignons une nouvelle révolution technique ? Ils le restent encore un peu, délicatement, comme de précieux objets de musée. Heureusement persiste encore ce désir baignant les femmes et les hommes nus dans les peintures de Klimt ou les tourments intérieurs d’Egon Schiele, sur lesquels la société qui vient souhaite régner. Mais l’humanité est-elle encore d’actualité ou tous ces sujets sont-ils déjà organisés puissamment par les machines ? Nous avons la réponse, même si nous poursuivons secrètement le même rêve de libération.
A voir au Musée des Beaux-Arts de Lausanne et à lire chez soi.
A fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka
Catherine Lepdor - Camille Lévêque-Claudet
Collection : Catalogues d’exposition
Date de parution : 12/02/2020
Format : 225 x 285 mm
240 pages
Exposition jusqu’au 24 mai, au Musée des Beaux-Arts de Lausanne.
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