Notre avis : Et si...et si... et si le destin avait été différent, notre vie serait-elle la même ? Avec les si imaginaires, on met Paris dans une bouteille comme dit l’expression. Paul Auster, lui, relève en mille pages le défi de faire vivre quatre vies différentes à son héros, M.Ferguson, né en 47, comme l’auteur et petit-fils d’une vague d’immigration russe. Paul a bien sûr l’intelligence d’adapter sensiblement les parcours, plutôt que de jouer de différences radicales. Tant est si bien, qu’on doit parfois accepter de s’y perdre comme on flâne dans les rues de la grille new-yorkaise avec pour seul repère un numéro d’avenue. On suit avec attention la prouesse narrative, drôle, visuelle, on s’interroge, avec le même sentiment de trouble qu’on éprouve face à des jumeaux pour se souvenir de leur prénom. L’illusionniste nous balade en beauté dans cette arborescence, en postulant qu’il n’existe pas de destin et que chaque événement vécu modèle notre avenir. Au préalable de sa lecture, il faut accepter le jeu des incohérences créatives, du "numéro" et surtout ne pas commencer le livre par la fin au risque de déflorer son intrigue !
C’est cette fusion entre la grande histoire et nos petites histoires qui fascine, tout comme ce roman cherche à faire partie par son brio d’une histoire de la littérature.
Il ne fait pas de doute, qu’à ce moment de sa carrière et de sa vie, Paul a mis le meilleur d’Auster dans ce roman monumental, dans l’espoir qu’il soit placé au rayon chef-d’œuvre au côté de ses pairs de cœur. C’est peut-être là que vous voudrez le remiser lorsque vous en viendrez à bout.