En sursis
Le 14 mai 2012
Le premier long-métrage de Dušan Hanák, très bel essai poétique, est une vraie découverte qui confirme la richesse du cinéma slovaque dans les années 60 et 70.
- Réalisateur : Dušan Hanák
- Acteurs : Lucyna Winnická, Josef Abrhám, Václav Lohniský, Vladimír Weiser , Miroslav Macháček, František Zvarík
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Slovaque
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h34mn
- Plus d'informations : http://www.malavidafilms.com/dvd-32...
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– Grand Prix au Festival Manheim-Heidelberg 1969
– Première slovaque 9 octobre 1970
– Sortie DVD : 23 mai 2012
Le premier long-métrage de Dušan Hanák, superbe essai poétique, est une vraie découverte qui confirme la richesse du cinéma slovaque dans les années 60 et 70.
L’argument : Diagnostic : 322. Cancer. Lauko, cuisinier, doit renoncer aux fourneaux. Ne sachant pas quel mal le ronge mais sentant sa fin proche, il se surprend à poser un regard neuf sur son passé, la réalité du présent et les gens qui l’entourent : la Slovaquie des années 60, son ex-femme Marta en mal d’amour permanent, sa collègue Cilka, fraîchement fiancée, et Être Humain, jeune utopiste en quête de liberté.
Notre avis : On ne connaît pour ainsi dire pas en France le cinéaste slovaque Dušan Hanák, né la même année (1938) que son compatriote Juraj Jakubisku et pratiquant lui aussi, bien que sur un mode moins ouvertement provocateur et farfelu, un cinéma de libre association poétique qui néglige la narration au profit du collage visuel, des arabesques chorégraphiques, des coqs à l’âne, et ne craint pas la contamination de la fiction par le documentaire (ou l’inverse) ni celle de la fantaisie échevelée par des éclats de réalisme cru (un cheval abattu d’un coup de massue dans un abattoir par exemple).
- 322 de Dušan Hanák (1969)
Profondément mélancolique mais aussi léger et gracieux de bout en bout, 322, son premier film de long-métrage, n’est pas prisonnier d’un discours écrasant et ne délivre pas de leçon univoque. Sa portée subversive n’en est que plus forte et elle n’a pas échappé aux censeurs.
Bien que cela ne soit pas dit de manière totalement explicite le spectateur comprend que si le protagoniste est redevenu simple cuisinier, renonçant à une carrière de cadre du parti, c’est pour ne plus avoir à juger les autres et parce qu’il ne se pardonne pas d’avoir participé à la condamnation d’un dissident (un peintre).
Une séquence, filmée en style reportage, esquisse efficacement le cauchemar d’une société totalitaire où l’oeil de la police voit tout : des piétons rappelés à l’ordre par la voix d’un haut-parleur lorsqu’ils traversent en dehors des clous obéissent docilement aux injonctions de cette autorité invisible et omnisciente.
Quant au jeune marginal aux cheveux trop longs et bouclés qui, après qu’un agent lui ait réclamé ses papiers sans autre motif que son allure anticonformiste, se promène dans la rue avec son numéro de carte d’identité (ID Nr. BU-66 456963) inscrit sur le dos de sa veste, c’est une espèce de doux rebelle dont la désarmante gentillesse contraste avec la dureté ambiante.
- 322 de Dušan Hanák (1969)
Hanák ne va pas jusqu’à faire de ce personnage un porte parole mais il sert de contrepoint au portrait critique d’un univers normatif où l’humain s’efface derrière le matricule et où même la maladie se réduit à un numéro (le 322 du titre, nom de code pour le diagnostique d’un cancer).
Pourtant, comme dans le film d’Elio Petri Giorni contati, cette irruption de la maladie, entrainant la prise de conscience d’une existence en sursis, fait office de révélateur du réel.
Epousant le regard décillé de son protagoniste, le cinéaste parvient à nous faire regarder la beauté menacée d’un monde vivant à la merci du temps, de l’usure inexorable (vieilles maisons délabrées aux murs soutenus par des étais, fruit écrasé) et où les êtres humains (mais aussi les animaux, nombreux dans le film) résistent malgré tout à une normalisation insidieuse.
322 est un film habité qui charme par une inventivité formelle constante, jamais gratuite, et fait entendre une magnifique musique méditative sans hausser le ton.
- 322 de Dušan Hanák (1969)
- 322 de Dušan Hanák (1969) - le DVD Malavida
Le DVD
Merci à Malavida et à sa collection slovaque qui nous permet de découvrir cet admirable premier long métrage de Dušan Hanák ainsi que trois autres films du cinéaste.
Les suppléments
Un livret de 20 pages contenant une interview du réalisateur et un article critique ne nous a pas été fourni mais le DVD comporte en guise de bonus un très beau court-métrage documentaire de Dušan Hanák Omša/La messe (1967), dans lequel le réalisateur filme avec une attention extrême aux visages, aux gestes, aux objets, le rituel d’un office religieux célébré dans une petite église de campagne par un vieux prêtre tremblotant et peinant à monter sur la chaire.
Image
La copie n’a visiblement pas été restaurée et une vision de près révèle beaucoup de fourmillements ainsi qu’un défaut flagrant de netteté. Mais si on se place à distance respectueuse, et si on excepte quelques plans aux blancs un peu trop aveuglants, le report, irréprochable, permet d’apprécier dans des conditions correctes la très belle photo noir et blanc de Viktor Svoboda, à la fois contrastée et riche en nuances.
Son
Le son mono est parfois légèrement saturé mais ne présente pas trop de souffle et rien ne vient vraiment gêner le confort d’écoute.
- 322 de Dušan Hanák (1969)
Galerie Photos
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