Têtes de papier - La critique + le test DVD

Le cinquième long-métrage de Dušan Hanák est un vibrant pamphlet poétique mettant à jour, au moyen du collage émotionnel, la violente absurdité d’un système coercitif.

L’argument : De la fin de la deuxième guerre mondiale à la Révolution de Velours, les peuples tchèque et slovaque subissent plusieurs décennies d’angoisse, d’atteintes aux droits de l’homme, d’omniprésence policière, de duplicités et de compromissions avant de reconquérir une liberté individuelle et collective. Portrait d’une oppression.

Notre avis : Très éloigné à première vue, par le ton et la forme, du très contemplatif (et magnifique) Images du vieux monde, le cinquième long-métrage de Dušan Hanák est un documentaire aux allures de vibrant et virulent pamphlet qui ne cherche pas à se retrancher derrière une objectivité de façade.
Sans jamais recourir pourtant au commentaire en voix off, il juxtapose les matériaux pour composer, selon les propres termes du cinéaste, un « collage émotionnel » ... par le mode d’expression du contrepoint et montrer ainsi comment l’homme se comporte quand un pouvoir totalitaire le manipule... comment il est broyé, humilié, spolié, effrayé, compromis, mais aussi comment il se défend et résiste.
Entamé à chaud, juste après la Révolution de velours, mais terminé seulement cinq ans après, le film retrace l’histoire de la Tchécoslovaquie depuis la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à la partition de 1993 en recourant aux images d’archives, essentiellement des actualités d’époque propageant la vision officielle du paradis socialiste en marche mais qu’il faut sans cesse défendre contre la vermine réactionnaire.
Les teintes colorant les images en noir et blanc soulignent l’irréalité de cet univers factice, de ce simulacre aux allures de mascarade parfois risible et frôlant souvent l’absurde. Mais ce sont avant tout les témoignages au présent des victimes anonymes, bouleversants visages de survivants et récits poignants à la première personne, sans emphase, qui rendent ces images insoutenables, en dévoilant le caractère coercitif, inhumain.
Comme on l’a dit, Papierové hlavy assume son caractère subjectif et son manque de recul historique mais c’est cela même qui lui donne justesse et pertinence. Hanák, lui même en butte à d’innombrables tracasseries au long de sa carrière, s’est impliqué ici plus encore que dans ses autres films mais il laisse au spectateur sa marge de liberté.
Il se garde aussi de tout optimisme excessif quant à l’avenir démocratique de son pays : les dernières séquences, consacrées au présent de 1995, montrent, déjà, un alarmant déficit de cette mémoire précieuse que le film cherche au contraire à maintenir vivante.

le DVD

Têtes de papier (Papierové hlavy) de Dušan Hanák (1990-1995)

Malavida conclut avec ce film la précieuse intégrale DVD des cinq long-métrages de Dušan Hanák.

Les suppléments

Pas de suppléments vidéo mais, comme d’habitude chez l’éditeur, un livret d’accompagnement reprenant divers textes dont certains on été traduits en français pour l’occasion permet d’apprécier au plus juste la portée de Têtes de papier : pertinente analyse du film par Kevin Brochet ; passionnante interview du réalisateur ; rappel, fort utile, des repères historiques ; article d’Alena Müllerová dressant un panorama du film documentaire tchèque et slovaque des années 30 aux années 80. Que demander de plus ?

Image

Le sentiment de beauté, essentiel ici car il fait ressortir l’horreur par contrepoint, est au rendez-vous. Le master a été remarquablement bien restauré et le report ne présente aucun défaut notable.

Son

L’opposition des voix de commentateurs d’actualités, au ton sentencieux, et de celles des témoins au présent est rendue parfaitement perceptible par une piste sonore bien définie qui confère aussi tout leur impact aux nombreuses citations musicales.