Le 24 septembre 2002
Loin du fracas de la rentrée parisienne, Régis de Sá Moreira, avec son second roman Zéro tués, s’impose par sa simplicité d’écriture.
Loin du fracas de la rentrée parisienne, Régis de Sá Moreira, avec son second roman Zéro tués, s’impose par sa simplicité d’écriture, une écriture semblable à son auteur, toute de timidité charmante (Voir notre entretien). [1]
"Putain Joseph, dit-elle, t’es marrant... Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?" Il faut un long moment à Clara avant d’exprimer enfin son reproche. Rentrant chez elle un soir, elle a retrouvé son homme pendu, nu, au milieu du salon, dans une ambiance de musique hawaïenne. Elle qui croyait qu’il voulait lui faire une surprise !
Mais ça, c’est seulement quelques années plus tard. A la fin de l’histoire.
Avant cela, il a eu la fuite de Clara. Parce que le problème de Joseph, c’est qu’il est trop con, intelligent, mais con. Alors elle est partie. Partie en Espagne, ou peut-être pas. En tout cas elle n’est plus là. Joseph se morfond, se complaît dans sa dépression parce qu’"on ne peut pas souffrir à ce point sans qu’il y ait cette sorte de compensation". Que fait-il pour survivre ? Il tente de devenir Clara, en mangeant ce qu’elle aime par exemple, à l’encontre de ses propres goûts. Un vrai roman d’amour ! Pourquoi pas ? Mais avant tout un roman sur l’absence et le vide, ce vide que l’on ne comble pas, ou en devenant l’autre parce qu’on n’existe plus à soi. Joseph souhaiterait "ne plus s’appeler du tout" depuis que Clara est partie.
Pas d’effusion dans Zéro tués, pas de cris et si peu de larmes. Simplement un défi au quotidien, à toutes ces phrases dont il nous inonde ("Il y a l’amour et il y a la passion... Il faut vivre à fond... La beauté c’est intérieur... On est bien, hein ?"). Ce quotidien qui fait, proprement, vomir Clara.
La seule voie, alors, est le suicide. Il mène Joseph à Dieu et à l’esquisse d’une vérité universelle. Il y a ceux qui ont compris et qui ont voulu fuir, ceux que Dieu renvoie sur terre, régulièrement, jusqu’à ce qu’ils fassent le deuil de leurs illusions. Il a fallu trois vies à Joseph.
Irrépressiblement on s’attache à ces personnages qui débordent de tendresse. A Andrès, le frère de Joseph, qui accepte que celui-ci le réveille à toute heure de la nuit par ses coups de fil apparemment sans objet. A Françoise, sa femme, qui enceinte raconte à son petit locataire l’histoire sans fin de Youk-Youk.
Zéro tués, aussi pessimiste soit-il, est un roman plein d’humour, de cet humour presque involontaire qui naît parfois entre amis au détour d’une conversation téléphonique, qui rebondit sur un mot, une phrase, une expression, pour mieux en dévoiler les ressorts. Et il y a ce roman qu’Andrès incite Joseph à reprendre. Et lui de répondre, désabusé : "Seulement, quand le héros, enfin le mec dans le livre, se transforme en kangourou dès la première page, et qu’en plus c’est le seul personnage du livre... c’est pas facile d’avancer". Evidemment.
Régis de Sá Moreira, Zéro tués, Au Diable Vauvert, 2002, 168 pages, 13,50 €
[1] Zéro tués est le second roman de Régis de Sá Moreira, après Pas de temps à perdre, publié en 2001 au Diable Vauvert
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